Si nous lançons une recherche sur Dieu ou la foi, c’est parfois comme lorsque nous cherchons à savoir à quelle maladie correspondent nos symptômes et que, au détour d’un énième forum de discussion, nous apprenons que nous sommes sans doute atteint d’une maladie très grave. Si nous n’avons aucun mal à ne pas prendre ce type de diagnostic au sérieux parce que nous ne sommes tout simplement pas certains qu’il vient d’un vrai médecin, qu’en est-il de nos questions et de nos recherches spirituelles ? L’internet donne accès à un énorme fatras théologique, tellement énorme qu’il est compliqué de trouver exactement ce que l’on est venu chercher ou de déterminer quelle est la tradition véhiculée par les différents sites que nous visitons. Un site très interactif et à l’esthétique très dans l’air du temps, par exemple, n’est pas le gage d’un contenu sérieux ou ouvert d’esprit. Il y a même parfois contradiction entre une apparente modernité et un contenu réactionnaire, voire rétrograde.

Les pièges du consumérisme

En découvrant les différents services qu’offrent les sites les mieux référencés, des questions émergent : ces sites ne favorisent-ils pas l’individualisation du croire et le désengagement ? Ne réduisent-ils pas Dieu et le christianisme à des produits de consommation ou à des objets de divertissement et les textes bibliques à de la littérature Feel Good (1) ? Il n’empêche, ces sites répondent à un besoin spirituel certain, chacun de manière bien singulière. Ils ont en commun de proposer une plate-forme d’expression libre et anonyme, de donner des réponses bibliques ou théologiques plus ou moins sérieuses, de mettre à portée de souris un « expert », d’offrir un espace de pratiques religieuses plus ou moins élaborées. Surtout, ils n’imposent aucune contrainte de lieu ou d’horaire et n’obligent pas à appartenir à une communauté réelle. Le plus connu des sites chrétiens francophones est topchrétien.com. Créé dans les années 90 par Éric Célérié, pasteur pentecôtiste, ce site s’est imposé, grâce à des outils de marketing sophistiqués, comme premier réseau francophone évangélique. Il offre des services aussi divers que de l’information, un parcours d’initiation chrétienne en ligne (s’achevant sur une « prière de conversion »), des cultes filmés, des témoignages, des chaînes de prière, etc.

Une porte vers la foi vécue

À côté de ce mastodonte, un site comme retraitedanslaville.org est attaché à une communauté réelle. Animé par les frères dominicains du couvent de Lille, il propose un accompagnement spirituel en ligne. Les frères insistent pour que leurs visiteurs soient conscients qu’ils sont en union de pensée et de prière avec l’ensemble des frères vivant au couvent. De la même manière, le pasteur Marc Pernot, qui anime la rubrique « Questions et réponses » du menu « Libres réflexions » du site de sa paroisse (oratoiredulouvre.fr), précise aux visiteurs : « Vous pouvez poser toutes les questions que vous avez à cœur. Je vous apporterai une réponse bien volontiers (…). Mais bien évidemment, ce n’est qu’un avis personnel sur la question et, dans notre Église, nul n’est obligé d’être d’accord avec les pasteurs (leurs avis peut d’ailleurs diverger). »

Il est difficile de savoir qui, parmi les visiteurs de ces sites, sont pratiquants, engagés dans une paroisse, distanciés de l’Église ou non-croyants. Plus difficile encore de savoir combien parmi ces visiteurs se décident à un moment de franchir le seuil d’une église. Heureusement, il reste tous ces sites plus institutionnels, ceux de nos Églises et paroisses qui, parce qu’ils sont d’abord informatifs, invitent les internautes à partager avec d’autres une vie de foi vécue concrètement.

Gwenaelle Brixius,
pasteure, aumônier à Strasbourg

(1) Se dit des livres qui font du bien, qui font voir la vie en rose le temps d’une lecture.