Adrien s’est établi en France il y a 35 ans. Bénévole à la Cimade, et riche de connaissances juridiques utiles aux centres de rétention, il a été chargé d’organiser cet accueil. D’autre part, il a été pendant de nombreuses années président de la Maison Verte, Fraternité de la Mission populaire évangélique, créée il y a 145 ans. Cette institution, véritable maison de quartier, accueille tous les exclus. Pendant la guerre, le pasteur Jean Jousselin sauve des enfants juifs, grâce à la création du CPCV et devint plus tard Juste parmi les Nations.
À la Maison Verte, il y a un accueil, un service de domiciliation, un vestiaire, des cours de français et des activités culturelles. C’est par la Maison Verte qu’Adrien Sekali rencontre le protestantisme et devient bénévole. Il est aujourd’hui aussi prédicateur laïc. Il a aidé à la création de plusieurs projets culturels, dont un ciné-club pour les malentendants et les malvoyants.
Travailler pour la légalité
À la base du Collectif des Batignolles, il y a une réflexion : la moitié des Syriens et Iraquiens fuient leur pays, leur ville et leurs maisons. Nombreux sont ceux qui tentent de traverser la mer – beaucoup disparaissent –, d’autres parcourent une partie de l’Europe le plus souvent à pied. Au lieu de les laisser venir illégalement en Europe et risquer la mort, on les aide alors à déposer une demande de visa aux consulats de Beyrouth, Aman, Istanbul, Ankara ou Erbil, pour venir de façon légale et obtenir l’asile. Ils écrivent leur histoire : ils ont fui leur pays en guerre car ils étaient persécutés pour leur appartenance politique, ethnique et/ou religieuse et le plus souvent condamnés à mort.
Ces personnes obtiennent une garantie d’hébergement proposée par le collectif. La FPF a appelé les protestants à mettre à disposition gratuitement des logements. Une centaine de logements ont été immédiatement proposés. Le Collectif Batignolles a demandé de fonder une association qui s’en occupe. Une soixantaine d’associations ont été créées et se répartissent dans toute la France.
Une logique sécuritaire-économique
Adrien Sekali souligne que nous ne sommes pas seuls, puisque l’État a augmenté les places d’accueil ces dernières années pour atteindre le chiffre de 80 000. Ces places en majorité sont jetées en dehors de nos périphériques. Une logique sécuritaire-économique s’est imposée. La « liquéfaction » de la société (Bauman) va entraîner une complication des parcours déjà chaotiques. Nous devons défendre nos valeurs d’équité et de fraternité.
Les logements mis à disposition se répartissent en Alsace, dans le Sud-Ouest à Bordeaux et à la Rochelle. Les églises protestantes et catholiques travaillent ensemble. 250 familles ont été reçues. La famille est accueillie par plusieurs personnes au sein de chaque association qui aide les réfugiés à faire toutes les démarches nécessaires. Elles facilitent les contacts avec l’OFII, l’OFPRA, la préfecture, aident à la constitution des dossiers. Les enfants sont inscrits à l’école, la famille peut accéder à des soins si besoin est.
La 1ère année est très difficile, il faut compter 2 ans pour devenir autonome. Tous ont pris des cours de langue et souvent accédé à une formation. Les associations accueillantes ne sont pas dans une attitude de charité, souligne Adrien Sekali, mais de « partage ». Assurer seulement le « matériel » n’est pas suffisant. La famille refugiée ayant plusieurs référents noue des liens d’amitié et de fraternité : l’étranger est notre frère, ajoute Adrien. C’est une façon de joindre la parole à l’acte et témoigner de notre engagement dans la société vis à vis des plus démunis.