Jusqu’à la mi-février, l’Espagne va connaître un moment de justice important pour l’avenir de la lutte contre le sexisme dans le pays. Lundi 3 février s’est ouvert le procès de l’affaire Rubiales mettant en cause Luis Rubiales, ex-président de la Fédération espagnole de football (RFEF), accusé d’agression sexuelle sur Jenni Hermoso, footballeuse de l’équipe nationale. L’homme âgé de 47 ans est également accusé de coercition pour avoir fait pression sur la footballeuse afin d’étouffer le scandale, explique Le Monde.
Pour rappel, les faits se sont produits le soir de la victoire de l’Espagne au Mondial de football féminin en 2023. Luis Rubiales, alors patron du football espagnol, est invité au centre de la pelouse du Stadium Australia pour remettre le trophée à l’équipe vainqueur du tournoi. Après avoir solennellement salué les Anglaises, finalistes, il honore les joueuses de son pays avec gaieté. Puis, dans un moment de folie, il prend dans ses bras Jenni Hermoso et l’embrasse sans son consentement.
Ce court instant ne passe pas inaperçu puisqu’il est diffusé en mondovision et suscite rapidement l’indignation de millions de fans et de femmes sur les réseaux sociaux. Deux semaines après les faits, le 6 septembre 2023, la footballeuse porte plainte contre son patron. L’affaire prend de l’ampleur dans la sphère médiatique et devient un symbole de la lutte contre le sexisme dans le sport. Le hashtag #SeAcabo (« C’est terminé ! ») lancé par les joueuses espagnoles, fait le tour du monde, précise Le Monde.
Qu’attendre de la justice espagnole ?
Sur le papier, cette affaire ressemble à d’autres jugements d’agression ou de violences sexuelles commises sur un lieu de travail. Mais dans ce cas, il incombe à la justice espagnole de faire de Luis Rubiales un exemple de condamnation à la hauteur de la personnalité qu’il est. Pour le site sofoot.com, Pascual Calabuig, journaliste pour Superdeporte, disait de l’ex-patron du football espagnol que « c’est un homme des cavernes au XXIe siècle. »
Le geste de Rubiales a mis à mal sa propre Fédération ainsi que la classe politique espagnole. Le journaliste le rappelait d’ailleurs à juste titre : « la pression vient de tous les côtés, y compris de la part du président du gouvernement Pedro Sánchez, pour qu’il démissionne de son poste. Les excuses de son geste ne sont pas suffisantes […] Tout le monde souhaite son éviction. » En mars dernier, le parquet espagnol a requis deux ans et demi de prison contre l’accusé. Charge désormais à la justice de confirmer la décision et de ne pas omettre le courage de Jenni Hermoso.
Jenni Hermoso, icône féministe et sportive
À 34 ans, l’ex-star du FC Barcelone, aujourd’hui au club mexicain des Tigres, est devenue une icône de la lutte contre le sexisme. Lundi lors de l’ouverture du procès, elle a pris la parole pour évoquer son agression : « En tant que femme, oui, je me suis sentie peu respectée, je pense que c’était un moment qui a terni l’un des jours les plus heureux de ma vie. » Avant d’ajouter : « pour moi, il est très important de dire qu’à aucun moment je n’ai cherché cet acte ni que je m’y attendais. » Outre le baiser forcé, la footballeuse a déclaré avoir été victime de « pressions constantes et répétées » de la part de Luis Rubiales.
En effet, selon Ouest-France qui cite l’accusation, la famille de la sportive ainsi que des amis ont notamment été contactés « dans le but d’amener Jenni Hermoso à justifier et approuver publiquement le baiser que Luis Rubiales lui avait donné contre sa volonté ». Durant le procès, Jenni Hermoso pourra compter sur le soutien de nombreuses coéquipières dont la double Ballon d’Or Alexia Putellas, également présente au Mondial 2023. De son côté, Luis Rubiales a convoqué sa mère et ses filles à venir témoigner à la barre…
Ainsi, l’affaire Rubiales peut marquer un tournant dans la lutte contre le sexisme dans le sport. Dans un pays, l’Espagne, plus avancé que le reste de l’Europe dans la défense des droits des femmes, le jugement de cette affaire ne doit pas être dépassé par ses enjeux (médiatique, politique et sportif). En plus des deux ans et demi de prison requis contre Luis Rubiales, le parquet ajoute deux ans de liberté surveillée après sa peine, ainsi qu’une interdiction de communiquer ou d’approcher Jenni Hermoso dans un rayon de 200 mètres pendant quatre ans, rappelle sofoot. Enfin, s’il est reconnu coupable, l’ancien dirigeant devra également verser la somme de 50 000 euros à Jenni Hermoso.
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