La « rupture anthropologique » fleurit partout. La Conférence des responsables de culte en France et Bruno Retailleau l’utilisent pour récuser la loi sur l’aide à mourir. Et dans L’œil de Réforme du 10 juin, il est question de « rupture éthique ». Ce serait une rupture dans une histoire et une culture millénaires, bouleversées par cette possibilité offerte d’être aidé à mourir, de choisir de mourir plutôt que de continuer à vivre. Une rupture pour le corps médical par rapport à sa mission de prendre soin.
Mais il est des écoles de pensée, tout à fait humaines et respectables, qui ont admis, voire justifié, le suicide assisté ou non, le choix de mourir. Si ce qui caractérise l’être humain est d’un côté de savoir que la mort l’attend, et de l’autre l’exercice de sa liberté, il n’y a rien ici qui soit une rupture. Au contraire, c’est peut-être l’expression d’une pleine humanité. À condition bien sûr que rien ne vienne obliger cette liberté. Et l’accompagner serait aussi un geste d’humanité.
On pourrait parler de « rupture théologique » dans une conception où l’existence est considérée tout entière comme suscitée par un Dieu et dont le déroulement serait soumis à sa seule volonté. Ce serait une rupture envers Dieu que d’interrompre son cours, de refuser d’être soumis à des souffrances intolérables pour soi-même et pour ceux qui nous entourent.
Mais est-ce une « rupture chrétienne » ? La décision de mourir et le choix d’aider à mourir pourraient-ils être compatibles avec la « liberté chrétienne » ? Avec cette liberté qui nous est donnée par l’amour du Dieu de Jésus-Christ qui n’a rien à voir avec une loi (Ga 5/4) ; un amour dont rien ne peut nous séparer, ni la mort, ni la vie (Ro 8/18). Posons-nous au moins la question.
Olivier Brès, pasteur, pour « L’œil de Réforme »