Lors de sa visite à Marseille les 22 et 23 septembre, le pape François a lancé un appel pour que les migrants soient accueillis dignement. À Strasbourg, le père Thomas Wender fait de son mieux. Depuis 2016, le prêtre a nourri, logé et scolarisé plus de 200 mineurs isolés au centre Bernanos, rapporte France 3 Régions. Jo, 16 ans, est venu du Congo avec sa tante, son unique proche. Mais une fois à Paris, leur relation change. L’adolescent parle de maltraitance et de sa fuite pour une ville dont il n’avait alors jamais entendu parler. Avant d’être pris en charge au centre Bernanos, il a connu la rue, les repas sur le pouce grâce à des dons d’associations. 

Aujourd’hui, il dort dans un lit, avec un oreiller et des draps propres, et il ne connaît plus la faim. Rose, une salariée de la structure, se charge de cuisiner pour les trente jeunes accueillis. Les pensionnaires ont en commun d’avoir été rejetés des dispositifs de prise en charge institutionnels. En attendant leurs recours, ils sont donc légalement présents sur le territoire français, mais ne disposent pas pour autant de structures d’hébergement officielles. 

Un réflexe humain 

Alors, en attendant la reconnaissance de leur statut, le centre Bernanos prend soin d’eux et veille à leur scolarisation. Le prêtre a eu l’idée de fonder le centre Bernanos un soir de novembre 2016. “Un jeune est venu frapper à la porte du centre. Il s’appelait Joseph. C’était l’époque de la première grande vague de réfugiés de Syrie et d’Afrique”, raconte-t-il à France 3 Régions. Jusque-là, il avait entendu parler des exilés, mais n’avait pas vraiment conscience de la réalité. “Il n’avait nulle part où dormir, je lui ai proposé un coin dans une salle, des draps, un matelas pneumatique. C’était l’improvisation totale. Très vite, il y en a eu un deuxième, un troisième, un quatrième… J’ai pris conscience qu’il y avait quelque chose qui ne tournait pas rond. Je devais faire ce que je pouvais pour eux, il y avait de l’espace dans le centre”, poursuit le père Thomas Wender. Sur le coup, il agit par réflexe humain. “Je ne me suis jamais dit que j’étais prêtre et que c’était mon devoir… Et puis, ils avaient tous vécu des choses terribles”, confirme-t-il. 

Aujourd’hui, l’homme d’Église se demande pourquoi si peu d’autres prêtres n’ont pas sacrifié un peu de place afin d’installer un dortoir. “Cela fait deux ou trois siècles que l’Église cantonne la solidarité à un service dédié, mais le résultat, c’est que chacun se dit que ce n’est pas sa mission. L’Église a des ressources pour faire plus”, développe-t-il.

Critiqué par certains de ses collègues, il ne perd pas de vue qu’un prêtre à toute sa place dans l’accueil des migrants – « C’est un devoir » – et ne peut pas s’empêcher de penser que la multiplication des mains tendues comme la sienne participerait à faire changer les choses. 

Une maison d’enfants à caractère social protestante

À Saverdun, dans l’Ariège, une maison d’enfants à caractère social (MECS) est spécialisée dans l’accueil et l’accompagnement éducatif de mineurs isolés étrangers. L’Institut protestant reçoit près de 60 jeunes répartis au sein de cinq pavillons d’internat et douze appartements extérieurs. “Travailler avec ces personnes migrantes au quotidien nourrit, apporte une forme d’ouverture d’esprit et d’humilité. À leur contact, nous nous sentons mieux, nous devenons meilleurs et nous les remercions pour cela. L’étranger ne l’est plus une fois que l’on a appris à le connaître, il redevient celui qu’il a toujours été, notre prochain, et nous inspire par sa différence”, soulignait en juin 2022, Sébastien Mathieu, directeur général de la Fondation institut protestant.

Là aussi, on offre plus qu’un toit aux jeunes. Les pensionnaires bénéficient d’un accompagnement éducatif, qui s’articule autour de l’apprentissage de la langue française, de l’accès progressif à l’autonomie et à la citoyenneté par l’insertion scolaire, préprofessionnelle et professionnelle. Membre de la Fédération d’entraide protestante (FEP) l’institut s’occupe d’une mission chère à celle-ci. Dans un entretien accordé fin 2022 au magazine Proteste, Isabelle Richard sa présidente, rappelait que la prise en charge des mineurs non accompagnés est l’une des missions spécifiques de la FEP, au même titre que l’accès aux soins et à l’hébergement ou la suppression du délit de solidarité.