Internet et les réseaux sociaux créent de nouvelles habitudes. Les règles, procédures et services s’imaginent à mesure où les nouvelles questions se posent. Ainsi en va-t-il de la prise en compte du virtuel après la mort physique.
Au moment de la mort d’une personne, une série de procédures se met en marche : messages à l’état civil, à la sécurité sociale, à la banque… Mais la famille ne pense pas toujours aux réseaux sociaux et aux multiples comptes ouverts sur Internet. Ils sont le reflet de la vie menée par la personne : ses souvenirs, ses passions, les magasins où elle aimait commander. La découverte se fera parfois par un courriel de rappel adressé au ou par le défunt quand la configuration n’a pas été changée. Cela existait déjà avec la publicité papier mais la quantité a augmenté avec la facilité du virtuel. D’ailleurs, certains ne disent pas qu’ils possèdent des comptes ou ne laissent pas les mots de passe pour y accéder. Le réseau social restera alors le témoin de leurs espoirs passés avec parfois la surprise de continuer à les lire comme s’il s’agissait de leur journal intime. Internet, et a fortiori les réseaux sociaux, fonctionnent comme une sorte d’allégorie de l’au-delà : la vie y est dématérialisée, on ne peut pas le toucher, il semble illimité… de là à imaginer qu’il y aura aussi une vie éternelle, il n’y a qu’un pas.
Pas de profil inactif
Les réseaux sociaux ont mis du temps à s’apercevoir de cette non prise en compte de la mort physique. Cependant, depuis 2014, Facebook propose aux proches des défunts, soit de supprimer le compte soit de le transformer en « compte de commémoration », c’est-à-dire un compte où il est impossible à de nouveaux « amis » de s’inscrire, mais où il reste possible de partager des souvenirs et des pensées émues… Certains entretiennent longtemps le souvenir d’un défunt sur Facebook : les dates anniversaires, les souvenirs partagés dans le réseau des amis, les hommages, l’émotion… Aujourd’hui, la plupart des internautes ont fait de Facebook un haut lieu où se mélangent images, déclarations publiques et conversations privées. Du côté de Facebook, l’algorithme ne se préoccupe pas de savoir si la personne est vivante ou non, tout ce qui l’intéresse c’est que le profil reste actif, quitte à ce que cette activité se passe via des messages de condoléances.
Effacer toute trace
Toute médaille a son revers. Facebook pense aider en republiant certains contenus à leur date anniversaire. Il est alors bien agréable de revoir les photos des merveilleuses vacances passées sur une île paradisiaque. Parfois cependant, et c’est le cas de ce père qui a fait un scandale, le programme informatique ressort de sa propre initiative, les photos d’un proche maintenant décédé. Dans la vie aussi les endroits, odeurs, affaires font surgir en nous les souvenirs. Ils sont parfois troublants. Mais nous ne sommes pas forcément prêt à accepter d’un algorithme ce que nous tolérons de notre cerveau.
Enfin, alors que certains veulent perdurer sur la toile, d’autres cherchent à s’en faire disparaître. Cela consiste à retirer les amis, les images, les groupes… de manière systématique, puis, dans un dernier mouvement à désactiver le compte. Un néologisme décrit l’action « suicider son compte ». L’utilisation de ce verbe n’est pas neutre et montre que la limite entre le réel et le virtuel tend à s’estomper à l’usage. L’histoire récente de ce jeune homme sauvé du suicide parce que ses amis avaient repéré qu’il vidait ses comptes de réseaux sociaux en représente sans doute un point ultime.