« Nous vivons aujourd’hui dans un capitalisme financier où l’objectif est de faire en sorte que les actions des entreprises prennent de la valeur », rappelle David Giauque, politologue, professeur ordinaire à l’Institut des hautes études en administration publique de l’Université de Lausanne (IDEHEAP). «Et si vous voulez que les actions de l’entreprise prennent de la valeur, il faut faire pression sur les salariés pour augmenter leur productivité. On a vu, dès les années 1980, émerger un fort mouvement du néolibéralisme également dans le domaine du management, appliquant des pressions toujours plus importantes sur le personnel des organisations, qu’elles soient publiques ou privées. L’un des outils de la recherche de la performance, qui fait désormais partie de l’univers des organisations contemporaines, c’est l’évaluation individuelle des collaboratrices et des collaborateurs, qui vise précisément à évaluer ce qui a été réalisé durant l’année passée et à fixer de nouveaux objectifs pour les années à venir, voire même à corriger le tir», développe le chercheur.
Quels critères ?
«En principe, l’évaluation des collaboratrices et des collaborateurs devrait s’effectuer sur la base de plusieurs critères. On devrait prendre en compte les compétences sociales, les compétences techniques ou les compétences relationnelles mais, en réalité, on mesure beaucoup plus le quantitatif – la quantité de choses, de services ou de produits réalisés – que la qualité, parce que la qualité est plus difficile à mesurer et à évaluer. Il y a donc une sorte de myopie dans l’exercice de l’évaluation des collaboratrices et des collaborateurs qui se fait sur le quantitatif au détriment du qualitatif. Ce qui explique sans doute largement la perte de sens que peuvent ressentir un certain nombre de salariés», pointe David Giauque.
Le bon travail
«Compter, c’est toujours relativement facile, voire très facile. Apprécier la qualité, c’est beaucoup plus difficile, mais les deux dimensions sont constitutives de la performance, comprise dans le sens de ‹faire un bon travail›», enchérit Yves Emery, professeur honoraire de l’IDHEAP. «La culture de la concurrence existe assez naturellement au niveau des entreprises, qui, pour survivre, se doivent d’être compétitives. Cette culture s’est introduite par […]