Si l’État a proposé, mardi 2 novembre, de trouver un hébergement aux exilés qui le demandent, dans le Pas-de-Calais ou dans les Hauts-de-France, mais pas à Calais, les associations et trois grévistes de la faim restent mobilisés. Cette annonce, conjuguée avec l’arrêt des évacuations par surprise et un délai « d’environ 45 minutes » laissé aux migrants pour réunir leurs affaires, n’est pas satisfaisante. Depuis 24 jours, un aumônier et deux militants associatifs ont entamé une grève de la faim pour demander la fin des démantèlements des camps de migrants pendant la trêve hivernale, rapporte TV5 Monde.
D’une manière plus large, Philippe Demeestère, aumônier du Secours catholique, 72 ans, Anaïs Vogel et Ludovic Holbein dénoncent les conditions de vie des migrants. Alors qu’à Calais, elles se détériorent, ceux qui espèrent rejoindre le Royaume-Uni arrivent de plus en plus nombreux. « Ces flux migratoires ne sont pas nouveaux : cela fait près de 30 ans qu’il y a des populations en transit », rappelle à la chaîne de télévision Matthieu Tardis, spécialiste des migrations et chercheur à l’Institut français des relations internationales (IFRI).
600 en 2018 et 18 000 en 2021
La ville-frontière avec le Royaume-Uni est considérée par les migrants comme étant « le meilleur moyen de traverser et aller en Angleterre. Auparavant, les personnes passaient par le tunnel de la Manche, puis par le ferry », souligne Matthieu Tardis. Avec la multiplication des contrôles et la sécurisation du port de Calais et de l’Eurotunnel, les candidats au passage ont opté pour des traversées de la Manche à bord d’embarcations en tout genre. Se basant sur les chiffres des migrants ayant tenté de traverser la Manche, la préfecture maritime de la Manche et de la mer du Nord explique qu’ils étaient 600 en 2018 et 18 000 en 2021.
L’attrait pour le Royaume-Uni est particulièrement fort en raison de l’implantation de nombreuses communautés. De quoi simplifier l’intégration des nouveaux venus. Les candidats à l’exil sont également plus nombreux à parler l’anglais que le français. Et puis pour Matthieu Tardis, la France propose des « conditions d’accueil [qui] restent difficiles. Un demandeur d’asile sur deux est dans un centre adapté. Les autres sont dans un centre d’hébergement d’urgence. Ils sont logés par des associations ou des particuliers. Certains se retrouvent à la rue« , précise-t-il à TV5 Monde.
Expulsions et confiscations des affaires
À cela s’ajoutent les expulsions et confiscations des affaires par la police, mais aussi les lenteurs administratives. Conscients de cela, les migrants affluent néanmoins. Alors que les mauvaises conditions d’accueil ne les découragent pas, « les politiques ont peur de l’appel d’air, c’est-à-dire que si l’on crée de trop bonnes conditions d’accueil, cela va faire venir des migrants », estime Matthieu Tardis.
Du côté de l’association la Cabane juridique, on va plus loin en pointant du doigt des pratiques jugées illégales ou abusives. « La préfecture prétend que les expulsions servent à mettre les exilés à l’abri, mais ce n’est pas une solution. La majorité des migrants redoutent d’y être contraints de demander l’asile parce qu’ils sont dublinés », commente Simono Rain, militante. Les accords de Dublin entraînent l’expulsion d’un demandeur d’asile s’il a déjà été enregistré dans un autre État signataire.
Une responsabilité britannique
La France, elle, refuse d’être confrontée à une nouvelle jungle à Calais. « L’État ne peut pas laisser s’organiser sciemment une base de départ clandestine vers l’Angleterre, alors que les gens risquent, en plus, leur vie en traversant la Manche », explique Didier Leschi, de l’Office français de l’immigration et de l’intégration qui sert de médiateur entre les grévistes de la faim, les acteurs locaux et le gouvernement.
« L’enjeu fondamental, aujourd’hui, est d’adjoindre à Dublin un mécanisme de répartition plus solidaire entre les pays », estime Matthieu Tardis, pour qui le sort des migrants de Calais est également une responsabilité britannique. Pour lui, des discussions sur « l’ouverture de voies migratoires légales entre la France et le Royaume-Uni » sont impératives.