Menaces d’attentats, élections aux résultats angoissants, relations tendues entre les grandes puissances mondiales…
Chaque soir devant notre écran, à la radio dans notre voiture, dans le journal gratuit que nous parcourons avant d’aller travailler, nous sommes assaillis par des événements-chocs, des annonces terribles, des prédictions de plus en plus pessimistes, des images terrifiantes ou révoltantes…
Nous vivons au milieu d’un flux d’infos, dont certaines dépassent les autres dans l’urgence, la stupéfaction ou l’horreur. Certains peuvent se trouver submergés par les sentiments que font naître ces informations que nous ne gérons pas.
Une mise en scène des événements émouvants
Les événements émouvants sont ceux qui heurtent notre sensibilité et déclenchent des émotions immédiates, principalement la tristesse et la peur et leurs déclinaisons : anxiété, angoisse, chagrin, sentiment de révolte et d’impuissance… La violence de l’image d’un enfant noyé sur une plage, ou le discours poignant de celui qui a perdu son compagnon dans un attentat nous touchent en plein cœur. Parfois aussi nous nous sentons coupables d’être en bonne santé, heureux, alors que tant d’autres sont dans la peine, abandonnés sur les routes et les mers du monde.
Scènes de violence en Syrie, images d’un car éclaté, corps d’enfants blessés, tués, migrants emportés par les flots… Les médias ne nous épargnent à présent aucune image, aucun détail, estimant avec complaisance que la précision de l’information prime sur notre sensiblerie. Certaines chaînes ce sont fait une spécialité de ces démonstrations. Peut-on refermer le journal, éteindre le téléviseur sans en garder des traces ? Et comment les gérer ?
- D’abord en réalisant que ce qui s’est passé ne nous implique pas directement. Nous en sommes des témoins impuissants, alors que nous n’avons assisté à rien. Cette proximité de l’image créée une proximité émotionnelle. Nous voilà à notre corps défendant « embarqués dans l’événement ». Nous faisons souvent aussi des projections : et si ces enfants étaient les nôtres ? Et si ces troubles avaient lieu dans notre pays ? Et si la mort nous attendait, là, au détour d’une rue ? Il peut être bon de réaliser qu’il s’agit de projections, et que la peur qui s’ensuit est une création de notre esprit, prompt à anticiper le pire.
Cette réflexion autour de l’événement permet de remettre une distance salutaire, une sorte de « cordon sanitaire émotionnel ». - Ensuite en envisageant si nous pouvons nous-même agir sur ce qui s’est passé. Je peux me sentir concerné par la famine dans la corne de l’Afrique en soutenant l’action d’une ONG. Je peux exprimer ma révolte contre les agissements d’un dictateur en signant une pétition, en participant à une manifestation… Je peux venir en aide matérielle, ou prier pour les Chrétiens d’Orient. Et il faut bien reconnaître que ce sont les seuls (maigres) moyens qui sont à ma portée. Ils ne feront pas disparaître (en tout cas pas tout de suite) les visages des martyrs qu’on nous montre à l’écran, mais je pourrai sentir que j’y ai contribué à ma modeste manière. Cela me permet aussi de me sentir humain, citoyen, solidaire de ce qui arrive au monde, même si je n’ai pas à moi seul le pouvoir de le changer.
- Enfin, en ne me laissant pas « piéger » par le flux de l’information. Je peux sélectionner mes sources (la radio sera toujours moins éprouvante que la télévision), privilégier les commentaires ou analyses à l’énumération des détails, couper la source d’information quand on en sait déjà suffisamment… Je peux écouter les commentaires des experts, sans me laisser déborder par le flot des avis et autres fake news que répandent les réseaux sociaux toujours hyper-réactifs mais si peu fiables. Sans oublier de protéger aussi les enfants et les adolescents, qui ont encore plus de mal à faire la distinction entre le contenu des actualités et leur réalité.
L’escalade des prévisions alarmistes
Beaucoup ont la sensation de vivre dans un monde incertain, menaçant, alors même que notre santé, notre approvisionnement alimentaire et notre sécurité (en tout cas en Occident) sont bien plus élevés qu’il y a 50 ans.
Parmi les faits dont les médias nous abreuvent, au point d’en faire notre actualité quotidienne, les prévisions sont des vecteurs de stress importants.
A la différence des événements émouvants, qui se rattachent à des faits divers qui cèdent la place à d’autres, ces prédictions concernent des « tendances lourdes » que l’on nous décortique à l’envi pour nous faire prendre conscience des enjeux qui semblent nous attendre.
En tête de ce hit parade depuis quelques années, la crise économique et son cortège de catastrophes annoncées et accentuées par la mondialisation – concurrencée par d’autres peurs lancinantes : risques d’attentats, épidémie (pandémie !) grippale de toute sorte, menaces de conflits nucléaires, désastres écologiques qui pèsent sur le futur de nos enfants…
Sommes-nous à ce point en danger ? Faut-il s’alarmer et développer, comme ça devient le cas, une peur au quotidien ?
Et surtout, comment s’en protéger pour garder la tête froide ?
- Réaliser que les experts se contredisent entre eux. Que ce soit pour la santé ou l’état de la planète, on entend tout et son contraire. Les experts – qui sont pointus dans un domaine, mais n’ont pas toujours une vision globale- décrivent une vérité à l’instant T et de leur point de vue. D’autres, par peur du ridicule ou des conséquences, annoncent à peu près tout, afin de ne pas être pris en défaut (voir l’exemple des prévisions météorologiques sous le mode « alerte »).
- Considérer que nous vivons dans des sociétés occidentales qui ont érigé le principe de précaution en dogme. A défaut de pouvoir tout contrôler, mieux vaut tout annoncer et s’en prémunir avant qu’un début de menace pointe son nez. Au final, nous en devenons presque « surprotégés ». Le problème reste que l’énumération des risques potentiels est une vraie source d’anxiété. Un risque futur (et hypothétique) peut devenir une vraie angoisse au présent. Dans d’autres endroits de la planète, on considérerait ces données avec plus de philosophie – d’autant que le quotidien mobilise déjà l’attention de ces populations moins favorisées que nous.
- Prendre conscience que tous les phénomènes qui nous affolent ont des causes multifactorielles, et des évolutions qui peuvent être rapides, dans un sens comme dans l’autre. Certaines vérités ont une durée de vie très courte…et des issues tout à fait inimaginables aujourd’hui. Pour moi qui suis née dans les années 1970, qui aurait pu croire que le mur de Berlin tomberait un jour ?
- Regarder le passé. Il tient lieu d’expérience. Tout ce qui nous a déjà été annoncé de pire s’est-il effectivement déroulé ?
- Faire confiance à notre capacité d’adaptation. Face à un événement, un danger, l’Homme a de grandes ressources et mobilise tous ses moyens pour ce qu’il sait faire le mieux : survivre. L’Histoire nous en a donné de nombreux exemples (demandez à vos grands-parents…).
- Enfin, prendre du recul. D’abord en se demandant quel est l’impact aujourd’hui de la prévision ou de la menace sur ma vie de tous les jours. Ensuite, en considérant comment je peux me sécuriser moi-même (ou mon entourage) de façon raisonnable et à la mesure de ce qu’il m’est possible de faire. Prévoir – oui. Tout anticiper – non. Avez-vous envie d’empêcher définitivement vos enfants de sortir, ou de construire un bunker anti-nucléaire dans votre jardin ? Dans tous les autres cas, lâcher-prise, c’est à dire accepter ce sur quoi on n’a pas de contrôle.
- En tout état de cause, profiter de chaque jour pour ce qu’il nous apporte d’agréable. Bref, vivre sans se soucier des menaces potentielles, qui finissent souvent par disparaître. Ce serait dommage de s’être inquiété pour rien…