Que ce soit par la demande de réparations financières (Cran) ou le travail d’une mémoire réhabilitée (comité du 23 mai 1998), des démarches bien différentes voire opposées montrent à quel point le travail de mémoire autour de l’esclavage est resté insuffisant depuis 1848. Ce n’est qu’en 2001 que l’esclavage a été qualifié en France de crime contre l’humanité et c’est seulement depuis 2006 que la date du 10 mai est devenue journée nationale. C’est dire si ce pan de l’histoire est resté plongé dans un déni massif. Quelles qu’en soient les raisons (peut-être les scandaleuses réparations financières qu’Haïti dût verser pendant près d’un siècle en « dédommagement » de l’abolition), il apparaît que les souffrances d’hier sont aujourd’hui bien présentes : la voix de ces ancêtres se fait aujourd’hui entendre au travers de leurs descendants.
La réparation est-elle impossible ? Quand une vie est prise, elle ne peut être rendue. Personne aujourd’hui ne peut rendre aux descendants d’esclaves une histoire autre. Ainsi, il est vrai que les indemnités ne réparent jamais rien. Cependant, elles participent de la reconnaissance d’un préjudice subi et atténuent la culpabilité insidieuse que ressentent les victimes. Évoquant l’impossible réparation, Aimé Césaire soulignait là le risque de voir certains chercher à clore le souvenir et à faire table rase du passé. C’est pourquoi, si la réparation est impossible, le travail de la mémoire ne peut, non plus, se contenter de regrets contrits. […]