Connaissez-vous l’histoire du peuple qui demande un roi ? Je ne parle pas des élections françaises, mais d’une histoire que l’on peut lire dans la Bible ! Dans le premier livre de Samuel au chapitre 8, le peuple s’impatiente. On lui avait promis monts et merveilles et voilà que rien ne se passe. Il semble même que ce soit pire. La génération d’avant a vieilli et ceux à qui le flambeau a été transmis n’en semblent pas très dignes. Alors on regarde à côté, on louche chez les voisins. On veut être comme eux, forts puissants… Entre nostalgie et jalousie, on a toujours l’impression que c’était mieux avant ou qu’en tous cas, c’est mieux chez le voisin. Alors que fait-on ? On demande un chef, un homme fort pour nous sauver.

Il en est de cette histoire biblique comme de cette fable de la Fontaine, où le peuple est comparé à des « grenouilles qui demandent un roi ». Vous vous souvenez ? « Se lassant de l’état démocratique », elles héritent d’abord d’un « roi tout pacifique », en réclament ensuite un « qui se remue » et leur tombe du ciel « une grue qui les croque et qui les tue » …

Le peuple serait-il irresponsable ? Peut-on lui faire confiance ?

Dans le livre de Samuel, le peuple est en attente d’un homme fort, d’un sauveur. Quelqu’un qui règnera sur lui, qui sortira devant lui pour le protéger. Mais au final, c’est le peuple qui est envoyé, par le roi, devant. C’est le peuple qui a toujours servi de chair à canon !

  1. Et pourtant, les peuples semblent toujours en quête de chefs. Et ce n’est pas la montée des populismes en Europe et dans le monde qui me contrediront…
  2. Une question importante, travaillée par le texte de Samuel, est celle du choix. Une grande partie de sa réserve et de sa critique porte sur le fait que le peuple demande à un autre de choisir pour lui – au lieu de s’en remettre à Dieu. « S’en remettre à Dieu », lui faire confiance, non seulement pour les choses religieuses et spirituelles mais aussi pour tout ce qui fait notre vie, à commencer par nos choix politiques. Cela ne signifie pas attendre les bras croisés à ne rien faire ! Au contraire, il s’agit de prendre notre destin en main ; de devenir responsables pour nous-mêmes sans nous décharger sur un autre, qu’il soit roi ou élu. Être responsable pour soi-même c’est lorsque, en position de responsabilité, nous ne nous prenons pas pour l’autorité ultime et indépassable, mais que nous acceptons la critique et l’aide des autres ; en gardant la capacité d’être interpellé, comme Samuel qui accepte finalement de choisir un roi contre son avis du début.

C’est peut-être un lourd fardeau, mais avec le Christ Jésus, ce fardeau peut être léger. Car contrairement aux rois qui se servent des hommes pour gouverner, Christ, lui, s’est fait serviteur. Contrairement aux rois qui nous font sortir devant eux, le Christ nous invite à le suivre. Ainsi, en le suivant, en nous mettant nous-mêmes à son service, nous sommes libérés de notre désir mortel de nous trouver des héros pour exercer à notre place nos responsabilités. Au contraire, à sa suite, nous sommes pris dans un exercice de responsabilité qui s’exprime dans la confiance, et non plus la concurrence ou la défiance.

En cette période marquée par la crise et la peur des lendemains, où chacun cherche à tirer la couverture à lui, ne laissons pas à d’autres la responsabilité de faire pour nous des choix. Soyons de ceux qui exercent leur responsabilité avec vigilance, dans la confiance en la fidélité de Dieu. Ne cédons pas au pessimisme ambiant qui dit « Cela ne sert à rien ! », ou au relativisme populiste du « Tous pareil » – sous-entendu, « Tous pourris ». Sachons au contraire porter sur notre société, et sur le monde qui l’entoure, un regard à la fois juste et fraternel. C’est notre responsabilité : celle à laquelle nous sommes appelés, à la fois individuellement, en tant que serviteurs du Christ, et collectivement, en tant que peuple de Dieu.

Alors nous ferons vraiment une œuvre « laïque », c’est-à-dire au sens propre et étymologique du terme, une œuvre par et pour le peuple.