La projection de Nuit et brouillard est programmée au lycée. Son père, ancien chef de réseau, déporté à Buchenwald, est présent avec deux autres déportés pour parler de leur expérience. C’est la première fois qu’Anne entend parler son père de la déportation et du nazisme : c’est comme l’hydre, ça ressort sous une forme ou une autre, dit-il. Aussi, faut-il être très vigilant. Elle a un souvenir indélébile de cette projection, et bouleversant des questions-réponses qui ont suivi. Avocate au barreau de Versailles, spécialisée en droit du travail, elle milite dans de nombreuses associations. Elle est surtout connue comme militante des droits de l’Homme, pour la défense de l’égalité entre les femmes et les hommes dans les milieux de pouvoir. Pour Anne Nègre, il faut distinguer les droits de l’Homme et les droits de la Femme, car les droits de l’Homme n’incluent pas les droits de la Femme. La dernière inégalité administrative des époux a été levée en 1985. C’était hier ! L’universalité des droits au XVIIIe siècle n’intégrait pas les femmes.

Diversifier les engagements

Anne est entrée dans l’Association française des femmes diplômées de l’Université (AFFDU), fondée par trois protestantes laïques, et dont la 4e fondatrice était Marie Curie, branche française d’une association internationale. Cette association reconnue d’utilité publique, dont Anne Nègre a été la présidente et dont elle est membre à vie, est accréditée auprès de l’Onu et représente 70 pays, 120 avec les candidatures individuelles. Elle est aussi représentée au Conseil de l’Europe parmi les organisations non gouvernementales. Anne est devenue en 2007 médiatrice dans la Haute autorité de lutte contre la discrimination et pour l’égalité (Halde), dissoute en 2011 et dont la mission a été transférée au Défenseur des droits. En 2015, elle est élue Experte égalité entre les femmes et les hommes à la Conférence des organisations internationales au Conseil de l’Europe (OING). Le 26 janvier 2018, elle devient vice-présidente en charge de l’égalité des femmes et des hommes au Conseil de l’Europe. Désormais, l’expression « droits des Humains » remplace « droits de l’Homme » pour tous les travaux et
interventions de la Conférence des OING.

Multiplier les combats

Mais Anne aime à dire que ça bouge ! Et en effet, que de chemin parcouru ! Il a fallu définir « la parité ». Faire reconnaître dans la Constitution européenne que la parité, l’égalité hommes-femmes, n’est pas un « objectif à atteindre » mais doit être une « valeur de l’Union européenne ». C’est long, c’est difficile, et le blocage du monde masculin est très fort. Il y eut un vote à l’unanimité sur « à travail égal, salaire égal », mais les inégalités persistent et aucune aide n’est accordée afin de permettre un changement. Mais ça bouge tout de même partout ! En Turquie, les manifestations de femmes contre les mariages forcés. En Pologne, contre un accès devenu très limité à l’avortement. Anne Nègre est passionnée par ce qu’elle fait et toujours à l’affut des avancées et de leurs conséquences sur la vie des États et des personnes. Militante au Parti radicalde gauche, au Conseil municipal de Versailles, candidate aux législatives et tête de liste aux européennes, elle pense que les femmes doivent prendre leur vie en main et regrette que celles-ci ne soient pas toujours à l’avant-garde du combat. La Constitution européenne donne des droits aux organisations religieuses au cœur des religions. Y a-t-il une parité femmes-hommes dans les religions ? Impliquée dans la vie de la paroisse de Versailles de l’EPUdF, elle aime à dire que les femmes protestantes ont veillé depuis longtemps à ce que leurs filles apprennent à lire et à écrire pour lire la Bible, mais aussi pour que leur destin change.