S’opposant au sens commun contemporain, qui suppose un dramatique manque de praticiens, l’ordre des médecins s’est récemment inquiété d’un risque d’emballement de la démographie médicale du fait de l’élargissement des conditions d’accès aux études de médecine. Ce débat rappelle celui de la fin du siècle dernier, où le sens commun là encore, s’appuyant sur des expertises reconnues (Minc, Lazar) – dont on aimerait aujourd’hui connaître l’opinion – soutenait qu’il y avait trop de médecins en France. Le sévère numerus clausus ayant alors été jugé insuffisant pour contrôler la démographie médicale, le gouvernement alla jusqu’à proposer à l’époque des mesures incitatives à la cessation d’activité des médecins les plus proches de la retraite (Mica) !
Autre temps, bien sûr, mais cela pour rappeler combien est difficile la régulation de l’offre médicale face à une demande sans limites – la santé est un état de complet bien-être physique, mental et social et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité –, solvabilisée presque complètement, en tout cas en France, par le système médico-social extrêmement solidaire qui est le nôtre.
Hier, la tentative de régulation des comptes passa donc par la contrainte de l’offre de soins (numerus clausus, mica) ; aujourd’hui, cette dernière étant levée, elle tend à passer par la contrainte financière de la demande (augmentation du « reste à charge » pour le patient). Entre Charybde et Scylla, bien malin celui qui trouvera une issue par le haut au dilemme posé par l’augmentation, supérieure à celle qu’autorise raisonnablement la croissance économique, des dépenses de santé.
Vincent Maunoury, médecin, pour « L’œil de Réforme »