Secouée par un trop-plein de retraites, notre société tangue, légèrement, profondément, l’avenir nous le dira. En quelques semaines, nous passâmes de la contestation massive, radicale, d’une réforme jugée inique par la majorité de nos concitoyens à un confinement apeuré dans nos demeures devenues les derniers remparts devant un ennemi terrifiant, imprévisible et inconnu.
Les cénobites (1) partageant un espoir commun se sont transformés en anachorètes du sauve-qui-peut ou du salut individuels. Une séquence collective suivie d’une débandade ? Ou une seule et même séquence, révélant des facettes bien différentes ?

En tout cas, un thème, des thèmes communs à ces deux séquences d’une même période, pour le moins : le rapport au travail, le sens du travail, la solidarité, l’égalité ou l’inégalité devant l’usure, la fatigue, la maladie, la mort.

En janvier de cette année, Christian Bouzy, pasteur de la Mission populaire à Lyon, remarquait dans son billet sur le Blog Pop de la Mission populaire hébergé par Regards protestants que dans le projet de réforme du système de retraites proposé par le gouvernement « la part belle est faite aux plus riches. (…) (La cotisation sociale) donne ainsi aux plus riches l’opportunité de participer beaucoup moins à la solidarité nationale afin de pouvoir se payer à côté une retraite complémentaire par capitalisation ».
Et de nous rappeler que le Lévitique prévoyait un effacement récurent des dettes, ce qui pourrait nous inspirer dans d’autres domaines.

Avant goût du Royaume

Egalement sur le Blog Pop, Stéphane Lavignotte, pasteur de la Maison ouverte, à Montreuil, nous rappelle, lui, pour s’opposer à la logique de cette réforme que vivre sans travailler « est comme un petit avant-goût du Royaume de Dieu, une madeleine du paradis. »
Et Stéphane Lavignotte, se référant à Jacques Ellul, s’oppose à la capitalisation, à l’épargne personnelle, « qui est une manière de préempter l’avenir qui appartient à Dieu ». Bien des économistes, se voulant inspirés par la Réforme et bien des sociologues associant Réforme et capitalisme de manière parfois hâtive, même s’il y a une part de vérité dans leurs propos, devraient peut-être en prendre de la graine…

Un grand mouvement social, posant des questions essentielles, donc, et patatras ! Un petit virus de rien du tout, microscopique, nous renvoie tous à notre solitude première, à notre angoisse primordiale… Tout a déjà été dit sur les responsabilités écrasantes de notre mode de production capitaliste, productiviste et extractiviste dans l’apparition de cette pandémie. Tous les jours, nous voyons l’incapacité de nos dirigeants, même les mieux attentionnés, à sortir de ce pétrin.

Alors, qu’adviendra-t-il de ces crises conjuguées, crise sociale, crise sanitaire, crise écologique encore devant nous ? Le pire, le meilleur, sans doute un entre-deux… Mais, au moment de nous déconfiner, dans des conditions strictementsoumises à la nécessité de relancer la machine à profits et non de protéger la vie et la santé de tout un chacun, à ce moment-là, nous ne pouvons qu’être convaincus de cette parole du Christ : « Mon Royaume n’est pas de ce monde. » Et de la nécessité de saisir la main qu’Il nous tend pour le transformer.

(1) Aux premiers temps du christianisme, le cénobitisme était une forme de vie monastique en communauté par opposition aux ermites et anachorètes qui vivaient seuls une vie consacrée à la prière et la contemplation.