Le titre de la chanson de Goldman me revient à l’esprit de plus en plus souvent dans les transports publics, sur les trottoirs envahis de passants penchés sur leur écran, devant les monuments et jusqu’au restaurant où la moindre assiette fera l’objet d’une photo-souvenir partagée en direct sur les réseaux sociaux. La société technologique a réussi à produire en série ce que George Orwell dénonçait en son temps : l’incapacité à se dégager d’un support et d’une logique informatique, qui guident les actes quotidiens, pour lever les yeux vers sa vie. Les humains d’aujourd’hui filment leur existence plutôt que de la vivre.
Une fabrique de solitude
La technique a donc amené chacun à s’isoler de son voisin et à vivre par l’intermédiaire d’outils une relation avec d’autres. Au point qu’à Hong Kong certains feux rouges disposent d’un projecteur diffusant une couleur rouge sur le trottoir pour attirer l’attention des piétons et les protéger d’eux-mêmes. Plus on se focalise sur l’outil, plus on passe par lui pour être en relation… et plus on est seul, déconnecté de son environnement. Regarder le monde implique un recul, une légère distance – ne serait-ce que pour voir plus large. Mais il est tellement plus difficile de vivre sa vie que de la filmer ou de la rêver… En voulant capturer sa vie sur un écran pour la partager, l’être humain se condamne à vivre dans le passé des souvenirs et ne profite pas du temps présent en devient aussi prisonnier de la perception d’autrui.
Lève-toi et va, une question de résurrection
L’instant présent semble faire rêver les adeptes de la méditation. Être pleinement présent à sa vie, observer de tous ses sens ce que l’on vit au présent est une première étape de l’existence. Certains pourraient s’arrêter à cette conscience retrouvée, mais être présent à soi-même et aux rencontres que l’on fait ne suffit pas c’est comme laisser entrer la lumière dans sa vie et en être éclairé. Il manque le « Et alors ?». On peut être pleinement spectateur sans être acteur pour autant. Un certain Samaritain l’avait bien compris, qui voyant un homme en détresse s’en est pleinement rendu compte, au point de traverser la rue pour lui venir en aide. Vivre sa vie, c’est y être présent et y être acteur. « Lève-toi et marche » est une forme de résurrection