A quelques semaines des Fêtes, les vitrines des magasins nous attirent de leurs reflets pailletés. Cadeaux, jouets et mets fins nous font les yeux doux. Dans le même temps, beaucoup comptent et font attention, car les fins de mois arrivent de plus en plus tôt – et les besoins de base sont de plus en plus difficilement couverts. Consommer, dépenser restent des envies qui nous laissent croire que nous nous réalisons par le fait d’avoir, de posséder au-delà du nécessaire : nouveaux jouets high-tech, vêtements de marque, accessoires de luxe ou produits de beauté…nous embellissent, nous ravissent et nous rassurent. Ils nous font « exister ». Oui, nous appartenons à la société de consommation, et nous entendons défendre notre « pouvoir d’achat ». Pas question de le laisser rogner par la CSG ou l’augmentation des prix du carburant ! D’ailleurs nos politiques ne s’y trompent pas. Tous répètent démagogiquement sur les plateaux de télévision que « Les Français veulent pouvoir acheter des cadeaux de Noël à leurs enfants ». Un argument imparable qui sonne comme une condamnation cinglante du gouvernement.
A l’heure où l’on s’interroge aussi sur l’appauvrissement de nos ressources (il nous faudrait 2,5 Terre pour assumer notre niveau de consommation mondiale), produire à outrance est pour certains synonymes d’accélération de notre délitement. En un siècle et demi, l’espèce humaine aura réussi à mettre en danger l’écosystème dans lequel elle vit, sans réaliser toujours que c’est peut-être sa propre extinction qu’elle précipite. Pourtant, on nous pousse à consommer davantage : moins cher donc plus, à travers toutes ces vraies-fausses promotions, qu’on y accède dans un « Black Friday » ou un « Cyber Monday ». Entre décroissants et hyper-consommateurs, quel camp faut-il choisir ?
Consommer autrement
Certains ont compris qu’il ne fallait pas blâmer les consommateurs, pas plus que ceux qui n’ont pas d’autres choix que de prendre leur voiture. Consommer, oui, mais autrement. Personne n’a envie de vivre dans une grotte éclairée à la bougie. Tant mieux : notre société n’a jamais été aussi imaginative pour concilier la capacité à accéder à un certain niveau de biens ou de services, tout en maintenant une attention à l’environnement, voire aux personnes.
Ainsi l’économie circulaire encourage à utiliser ce que l’on a déjà, à le ré-introduire dans le cycle de la consommation, plutôt que de produire à nouveau. Dans certains domaines, on a compris qu’il ne sert à rien de posséder un objet, dès lors que l’on a accès à son usage. Outils de bricolage, appareils ménagers sophistiqués – dont il est démontré qu’ils ne servent tout au mieux que deux à trois fois par an – peuvent tout à fait être partagés entre plusieurs foyers. Un Youtubeur écoresponsable publiait récemment son astuce pour avoir toujours l’outil dont il a besoin : il met une annonce dans l’ascenseur de son immeuble, avec ce qu’il cherche et son numéro de téléphone, et avant la fin de la semaine, il reçoit plusieurs coups de fil de gentils voisins qui veulent bien le lui prêter. Nos voisins, nos amis, voilà bien des communautés avec lesquelles nous pouvons pratiquer la solidarité de proximité ! Des coups de main qui ont du sens, et qui, en plus, font chaud au cœur.
Devenir un consommateur éclairé
Aujourd’hui, l’obsolescence programmée irrite le consommateur : on réalise que l’on peut réparer, transformer, recycler. Du petit électro-ménager, en passant par les vêtements ou les smartphones, tous connaissent maintenant plus facilement une deuxième vie. Les tutoriels pour apprendre à tout réparer – ou presque – fleurissent sur le net, tandis qu’au coin de la rue ouvrent des ressourceries et autres Repair cafés.
Le consommateur devient de plus en plus un « consomm-acteur » : il est partie prenante de l’acte d’achat. Et son intérêt se porte aussi sur la manière dont les biens sont produits, autant que sur le comportement fiscal ou social de l’entreprise qui les fabrique. De nouvelles plateformes naissent, pour informer les acheteurs que nous sommes sur la responsabilité sociétale des entreprises (RSE). BuyOrNot en est un bon exemple. Cette application permet, en scannant un produit, de mieux connaître l’entreprise qui le fabrique. Quand vous découvrez les coulisses d’une société, son comportement vis-à-vis de ses salariés, sa manière d’exploiter les ressources naturelles ou sa tendance à délocaliser ou bien encore à éviter l’impôt, avez-vous encore envie de l’enrichir ? Ou préféreriez-vous dépenser votre argent – si durement gagné – auprès d’une autre société plus respectueuse ? La révolution est dans le caddie. Votre carte bleue vous donne plus de pouvoir que votre bulletin de vote ! Vous n’en voulez plus ? N’en achetez plus, et les fabricants arrêteront d’en produire.
Le succès des « journées sans consommer » ou « journées sans achats » montre l’impact direct de la décision du consommateur sur le chiffre d’affaires de l’entreprise. De quoi l’inciter à se comporter plus éthiquement, même si son objectif sera toujours de faire du profit. Et dans le domaine de la consommation, celles qui ont le plus de pouvoir (pour une fois) sont les femmes. Un peu partout dans le monde, les femmes sont responsables de 60 à 70% des achats – et pas parce qu’elles seraient plus dépensières que les hommes. Elles décident pour elles, mais aussi pour leur famille et leur foyer. A noter que ce sont également elles qui sont les plus sensibles aux questions d’environnement, de santé, d’éthique… Finalement, il suffirait que les femmes changent radicalement leur manière de consommer pour que tout bascule. Un vrai pouvoir, auquel on ferait bien de réfléchir.