Nous passons, paraît-il, un tiers de notre temps à dormir. Ce qui donne un argument de poids aux vendeurs de literie : quitte à y passer autant de temps, mieux vaut choisir correctement son sommier et son matelas. Si je suis ce raisonnement plein de bon sens, j’en déduis qu’il serait sage de vivre au mieux son temps professionnel. C’est si triste de subir son travail. De se lever sans entrain le matin et de compter les heures jusqu’au week-end, comme un bagnard compte les jours jusqu’à la fin de sa peine. Bien vivre son travail, facile à dire ! Quid de tous ceux qui n’ont pas le choix, travaillent pour payer leur loyer et leurs courses ? Craignent de perdre leur emploi ou n’en ont tout simplement pas, essuyant refus sur refus ? Ou de ceux qui ont aimé leur travail mais ont traversé des désillusions voire ont subi de vraies gifles dans leur cadre professionnel ?
« Tout est donné, tout reste à faire », répète inlassablement mon pasteur, un dimanche sur deux. Je ne connais pas de plus belle définition contemporaine de la grâce de Dieu. Cette affirmation révolutionnaire génère à la fois un immense repos – la foi et le salut nous sont donnés, nous n’avons rien à prouver, nous sommes aimés comme nous sommes, que nous soyons retraités, accros à notre travail ou au chômage. Elle actionne aussi un puissant moteur intérieur : nous voilà (re)mis en route avec l’espérance que le pire n’est jamais sûr, que les forces de vie peuvent triompher des forces de mort. Tout nous est donné, l’espérance, la joie, le courage. Mais tout reste à faire, donc, dans notre vie personnelle ou relationnelle, dans nos foyers, nos loisirs, mais aussi nos bureaux, ateliers, laboratoires, salles de classe, que sais-je encore.
Et si nous commencions par de petits gestes ? Face à un patron ou des collègues difficiles, risquer une parole apaisante ou ferme, c’est selon… Dans une situation tendue, proposer une action qui ouvre le dialogue… Quand les conditions deviennent invivables, oser imaginer un changement… Il n’y a pas de recettes pour bien vivre son travail. Mais peut-être un travail à faire, parfois avec d’autres, pour ne jamais se résigner.
Patricia Rohner-Hégé