En 2019, l’ONU sommait le gouvernement de les fermer et d’y substituer des services de proximité et des habitats adaptés.
Ce qu’elle dit est fondé et a en même temps un côté radical qui choque les familles », commente Christian Galtier, directeur général de la fondation protestante John Bost, dont les 38 établissements accompagnent près de 2 000 personnes handicapées sévères. La France a un temps été en avance en instaurant des établissements médicosociaux alliant soin et accompagnement spécialisé qui n’avaient rien à envier aux cliniques psychiatriques de ses pays voisins,
explique-t-il. « Mais aujourd’hui, elle est en retard sur le mouvement de l’inclusion sociale qu’ils ont engagé depuis vingt ans. » Dans l’approche inclusive, c’est à la société de s’adapter aux vulnérabilités de ses membres. « Il y a les parents qui trouvent que l’inclusivité ne va pas assez vite, ceux qui la jugent trop rapide, et puis les professionnels qui s’inquiètent de ce que ça va changer pour eux », résume Christian Galtier. Aujourd’hui les pouvoirs publics n’autorisent plus les institutions à créer de nouvelles places d’hébergement. Mais les nouveaux modèles restent encore à inventer. Beaucoup de familles se trouvent donc livrées à elles-mêmes.
Dans les structures médico-sociales, les résidents vivent souvent comme un drame intime la vie en collectivité uniformisée qui leur est imposée. Lentement, les méthodes changent pour des accompagnements individualisés. Un éducateur peut conduire un résident polyhandicapé à un match de foot à 70 km de distance en soirée.
Un établissement et service d’aide par le travail (Esat) peut aménager l’emploi du temps d’une personne pour qu’elle puisse avoir des loisirs. Pour Christian Galtier, « les institutions vont à terme passer d’une mission d’accueil à une mission d’accompagnement dans le monde ordinaire et à domicile. » Un bouleversement des conditions d’exercice des professionnels.
Une ouverture à la rencontre
« L’accompagnement inclusif se fait surtout dans une période de la vie qui est celle du développement. Dans tous les pays, il débute par la scolarisation des petits enfants », explique Christian Galtier, qui reconnaît qu’il commence aussi avec les personnes qui ont le plus de « capacités à vivre leurs aspirations ». Mais pour les plus âgés, la sécurité reste le premier besoin, prévient-il. « Et il existe des formes de handicap beaucoup plus compliquées, des personnes qui ne peuvent pas communiquer leurs souhaits. » Le zéro institution n’existe donc nulle part. « Même dans les pays protestants du Nord les plus inclusifs, il reste des unités de sept ou huit personnes, disséminées pour éviter toute ghettoïsation. »
À Strasbourg, la fondation catholique l’Arche compte trois maisons où vivent ensemble des personnes en situation de handicap mental, étudiants et salariés. Leur directrice, Veronika Ottrubay, met en garde contre la course à l’autonomie. « À quoi sert que des personnes soient autonomes si elles dépérissent de solitude ? », interroge-telle. « L’important c’est de les mettre en lien. L’inclusion, c’est quand il y a une ouverture à la rencontre, par exemple quand les étudiants ramènent leurs copains à manger à la maison. »
De nombreuses familles préfèrent savoir leurs enfants dans un milieu protégé plutôt que dans une société française qui n’accepte pas leurs handicaps. « En institution, on n’a pas besoin de mettre de l’énergie à cacher sa différence », défend Michèle Larchez*, qui a confié son enfant autiste au Sonnenhof, à Bischwiller, à l’adolescence, « pour préparer son avenir sans rupture brutale, car les parents ne sont pas éternels ». Son fils a son studio et travaille dans un Esat. Il fait ses courses au village et fait partie d’un club de peintres amateurs. Pour cette maman, l’inclusivité passe par une plus grande ouverture des institutions sur l’extérieur : « La réponse est dans cet aller-retour possible entre des moments d’inclusion et des moments de replis pour reprendre de l’énergie », défend-t-elle. Notre société est-elle prête à permettre plus que cela ?
* Adultes autistes, une vie normale pour eux aussi, de Michèle Larchez, éditions Jérôme Do-Bentzinger, 2014.