On connaissait l’enterrement, l’incinération, la sépulture en mer depuis un navire, l’exposition des corps dans diverses cultures, voici l’humusation. D’un point de vue strictement pratique, plusieurs techniques permettent la transformation des corps en humus. Elles visent en même temps le souci d’un environnement durable par une récupération du CO2 dans le processus dehumusation et le respect de la personne humaine lors des différentes phases de l’opération.

Le débat est ouvert

Cette pratique est aujourd’hui autorisée dans plusieurs États américains et des réflexions avancées ont cours dans de nombreux pays, notamment en Belgique, en Suisse ou aux Pays- Bas. En France, le débat est instauré depuis quelques années mais une proposition de loi sur l’humusation a été rejetée en 2021 pour non-respect de la législation garantissant aux défunts et leurs familles le respect, la dignité et la décence. Plusieurs mouvements tentent cependant de faire avancer la reconnaissance de ce mode d’inhumation.

Continuité de la vie

Les questions éthiques ne manquent pas. Si le procédé utilisé permet qu’un corps retourne à la terre de manière contrôlée pour la pérennité de la nature, suivant ainsi Genèse 3.19 (« car tu es poussière et à la poussière tu retourneras »), le premier débat est celui de la continuité de la vie. Car la philosophie sous-jacente est de perpétuer la vie du défunt sous une autre forme. Il s’agit donc là d’une forme de résurrection voulue qui peut s’affranchir de la notion même de dieu, les lois de la nature et de la chimie prenant le pas sur toute autre considération.

Travail de deuil

Dans le travail de deuil nécessaire à chacun pour continuer son existence lorsqu’il se trouve confronté à la mort d’un proche, la notion d’arrêt portée par la mort est cependant importante. C’est ce changement radical qui permet la réinterprétation des souvenirs et leur mise en ordre pour permettre aux familles de continuer la route. De nombreuses anecdotes pastorales circulent, citant telle dame désignant une urne sur la cheminée par ces simples mots : « Je vous présente mon mari », ou telle personne ne pouvant se résoudre à vendre sa maison car les cendres d’un parent ont été répandues dans le jardin. La continuité de la vie est une idée ten- tante, qui pourrait nier la mort et révéler le désir humain de sa propre éternité. De plus, cela interromprait de facto le travail de deuil de ses proches.

Risque de sacralisation

Un arbre est planté, qui se nourrira de l’humus produit. Là encore se posent des questions d’ordre éthique, notamment sur la symbolisation du lieu. Dans un processus de deuil, savoir qu’une personne est enterrée à un endroit précis est important, le lieu symbolisant la personne. Or le risque porté par l’humusation est que l’on puisse un jour se dire que son grand-père est ce chêne qui pousse. L’arbre serait alors la personne dans sa réalité et non le symbole de cette personne, ouvrant la voie à la sacralisation dudit chêne.

Si ce style de pratique était validé en France, les Églises auraient à réfléchir à une évolution du mode d’accompagnement au deuil pour les personnes et les familles.

L’humusation est un procédé en plusieurs phases, qui consiste à placer un corps enveloppé d’un linceul dans du terreau spécialement préparé. L’humus produit est destiné à fertiliser une plante.