Un accord international de l’Organisation des Nations Unies (ONU) comme celui de Paris doit, pour entrer en vigueur, passer par quatre étapes : l’adoption (Paris), la signature (ce qui a commencé le 21 avril 2015 ; cette signature est encore en cours et cela pendant un an), la ratification (en fonction des constitutions nationales, il faut passer par le parlement ou le président mais il y a un pas supplémentaire après la signature) et, dernière étape, l’entrée en vigueur de l’accord qui, selon les règles de Paris, a lieu 30 jours après que 55 % des pays au moins, représentant au moins ensemble 55 % des émissions de gaz à effet de serre, l’aient ratifié. Début octobre, on a dépassé ce double seuil. L’automaticité de l’entrée en vigueur nous mène au 4 novembre. L’accord de Paris est donc entré en vigueur trois jours avant le début officiel de la Cop22 au Maroc. Soit moins d’un an après son adoption !
Une vitesse record
Aucun traité de l’ONU, sur aucun sujet que ce soit, n’est entré en vigueur aussi rapidement après son adoption. On se souvient par exemple que l’accord de Kyoto a mis quasiment huit ans avant d’entrer en vigueur. Il faut donc souligner que le processus purement politique au niveau international lié à l’accord de Paris a été extrêmement rapide. Par conséquent, je suis en désaccord avec ceux qui disent que cela traîne, qu’on n’entend plus rien… C’est faux. Le processus démocratique prend du temps. On a même un processus qui est allé presque trop vite puisque les négociateurs des pays imaginaient que l’accord entrerait vraiment en vigueur en 2020 seulement : c’était d’ailleurs le mandat de négociation à la Cop21. La vitesse d’entrée en vigueur de l’accord a pris tout le monde de court ! C’est pourquoi, forcément, il y a un certain nombre de questions, de règles précises, devant permettre la mise en œuvre de l’accord de Paris, qui restent à négocier. Il y a eu une première session de négociation à Bonn avant l’été et la Cop22 au Maroc a servi aussi à avancer sur ces règles.
Un sujet de réjouissance
Même si le mode d’emploi complet et définitif de l’accord de Paris n’a pas encore été défini et adopté, on peut se réjouir de la rapidité avec laquelle il est entré en vigueur. Cependant, regardons ce que nous dit la science. Si la fenêtre purement mathématique de pouvoir rester nettement sous les 2° C de réchauffement, objectif officiel de l’accord de Paris, est encore possible, d’un point de vue politique et économique chaque minute qui passe nous rapproche de l’impossibilité d’atteindre cet objectif. Concrètement : si on veut rester sous les 2° C, il faudrait que les émissions mondiales atteignent un plafond en 2020, puis décroissent de 1,6 % par an. Aujourd’hui, on est encore sur un rythme de croissance mondiale des émissions de gaz à effet de serre ! Le défi est donc immense et tout ce qui va vers une action rapide et immédiate est extrêmement positif.
Ceci étant dit, il y a un bémol. Les contributions nationales qui sont aujourd’hui sur la table ne permettent pas d’atteindre les objectifs fixés. Elles mènent à un réchauffement de 3° C ou plus. Quand je parle de contribution nationale, c’est par exemple l’Union européenne qui promet qu’elle va réduire de 40 % ses émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 par rapport au niveau de 1990. Tous les pays du monde doivent proposer de telles choses. Prises ensembles, cela donne une augmentation de 3° C. Au-dessus de l’objectif de Paris (nettement sous 2° C) et bien au-dessus des 1,5° C qui aurait été l’idéal. La dynamique internationale nous pousse, au niveau de chaque pays, à augmenter l’ambition nationale et à agir. Il y a un tel fossé entre les objectifs posés et les moyens mis en œuvre qu’il n’y a plus que cela à faire : pousser à l’action !