Trappes, 2 novembre 2019

Chère moi,

Ce soir j’ai eu envie de t’écrire… T’écrire pour te préparer à ce qui va t’arriver dans un an parce que tu ne peux pas l’imaginer, le concevoir. Je sais que tu vas penser que je plaisante, que c’est de la science-fiction, que je me prends pour Huxley ou Barjavel. Pourtant ma petite, j’ai envie de te le dire, avec toute la tendresse dont je suis capable et je sais que tu en auras besoin, j’ai envie de t’expliquer ce qui va t’arriver, vous arriver à toi et tous les autres… Ce qui va arriver à notre si beau monde, à cette si belle humanité que tu chéris tant, je le sais …

Dans un an, tu emmèneras tes enfants au collège avec un masque chirurgical sur la bouche et le nez. Tu ne verras plus que leurs yeux. Des yeux qui appellent et questionnent, des yeux qui ont peur, des yeux dans lesquels les larmes ne sont jamais très loin.

Dans un an, ma petite, ma toute petite, tu iras faire les courses avec une attestation dans la poche sur laquelle tu devras noter ton nom et ton adresse, l’heure à laquelle tu sors et le motif de ta sortie. Tu seras peut-être contrôlée par la police et si tu n’as pas cette attestation, tu risqueras une amende.

Dans un an, tu pourras sortir juste une heure pour prendre l’air, jouer au foot avec tes enfants ou faire du vélo. Juste une heure pour regarder les papillons ou écouter les oiseaux chanter. Juste une heure.

Tu ne crois pas ?

Dans un an, tu devras choisir entre inviter les copains de tes enfants une dernière fois avant le « reconfinement » ou les emmener chez le coiffeur. Tu choisiras les copains et ils retourneront à l’école avec leurs masques et leurs cheveux trop longs. Tu te poseras des questions sur les priorités, sur ce qui est important ou pas. Tu te demanderas si on va se moquer de tes gosses avec leurs cheveux trop longs, si tu aurais dû faire un autre choix…

Dans un an, les libraires seront fermées, le rayon livres des grands magasins aussi. Tu ne pourras acheter des livres que sur Amazon ! Là, je sens que tu ne me crois pas, tu es hilare, je le vois.

Dans un an, tu parleras à tes enfants des derniers attentats terroristes qui se sont produits en France. Tu leur expliqueras pourquoi un professeur d’histoire a été décapité… Et puis non, tu ne pourras pas expliquer ça, parce que c’est inexplicable, parce que ça n’existe pas, parce que cette abomination ne peut pas se produire sur la terre des hommes. Tu ne pourras pas leur parler non plus de ces gens qu’on a tué et qui étaient en train de prier dans une église. Tu ne pourras pas leur dire parce qu’ils ne se sentiront plus en sécurité nulle part, ni à l’école ni dans la maison de Dieu ni peut-être chez eux. Tu chercheras les mots et parfois tu ne les trouveras pas. Alors tu prendras tes gosses dans tes bras, sans masque et sans gel et tu leur diras que tu les aimes. C’est tout.

Dans un an, tu écouteras les tergiversations des politiques à la radio sur la question des produits de première nécessité. On t’expliqueras que le maquillage ou la couleur pour tes cheveux ne sont pas des produits de première nécessité et tu te demanderas qui a le droit de décider à ta place de ce qui est important pour toi, de ce qui est prioritaire, de ce dont tu as besoin.

Mais dans un an, tu verras aussi de belles choses…

Un mur humaine de protection

Dans un an, tu verras des musulmans faire un mur humain de protection devant une Église à Auxerre pour permettre aux chrétiens de prier en paix…

Dans un an, à Bègles, tu verras des musulmans distribuer des roses blanches aux catholiques à la sortie de la messe

Dans un an, un olivier de la paix sera planté à Trappes par des chrétiens, des musulmans, des juifs et le conseil municipal. Ensemble.

Dans un an, je sais que souvent tu auras envie de pleurer, de désespérer de cette humanité capable des pires abominations. Tu auras envie de t’enfouir sous ta couette et d’attendre, pour sortir, que le monde change. Tu te diras « à quoi bon », « ça ne sert à rien »… Tu auras envie d’arrêter de te battre, tu auras envie de laisser l’enfer gagner, juste par épuisement, lassitude, envie de baisser les bras.

Je te demande instamment de ne pas le faire. De te souvenir des belles choses, des beaux moments, de penser à toutes les belles personnes que tu as croisé sur ta route, à toutes celles et ceux qui, à tes côtés, ont envie de faire grandir le monde et les hommes. Ne t’arrêtes pas sur la route même si tu es épuisée, si tu n’as plus envie, plus la force. Repose-toi un peu et remets-toi en route.

Lève-toi. Lève-toi et prie. Lève-toi et chante, ris. Lève-toi, mange des sushis, parle aux autres, bois un verre de vin et savoure le. Lève-toi et parle aux hommes, aux femmes que tu croises. Lève-toi et souris leur, même avec ton masque, ils le verront dans tes yeux. Lève-toi et dis merci ou pardon. Lève-toi et aime autant que tu le peux et si tu n’y parviens pas toujours, apprends à te pardonner. Lève-toi et pardonne. Lève-toi et prie. Lève-toi et aime. S’il te plait.