L’intelligence artificielle (IA) va se diffuser partout. Nous la côtoyons déjà au quotidien. Les assistants vocaux domestiques, tel que Google Home, passent nos commandes et régulent la température de nos maisons. Plus besoin de s’inquiéter pour les créneaux, les véhicules sont capables de se garer seuls! Dans le domaine de la médecine, l’IA est déjà bien plus performante qu’un radiologue pour déceler une tumeur et peut guider un chirurgien lors d’une opération.

Inventée par le mathématicien et informaticien britannique Alan Turing en 1956, l’IA regroupe différentes techniques visant à imiter le cerveau humain pour résoudre des problèmes complexes. Les milliards d’informations collectées grâce à Internet et aux objets connectés sont regroupés dans des bases de données appelées « big data ». Trop volumineuses pour un humain, elles sont par contre largement exploitables pour une IA. Les machines sont capables d’apprendre à partir d’exemples : en injectant des milliers de parties d’échec dans la mémoire d’un ordinateur, celui-ci devient capable de battre les meilleurs joueurs. En 2016, l’IA développée par Google a réalisé l’exploit de battre le champion du monde du jeu de Go, le dernier où l’Homme était encore supérieur à la machine.

Une course technologique

Selon Laurent Alexandre1, chirurgien-urologue et spécialiste de l’IA, « si l’Europe n’est pas présente dans l’IA, elle sera écrabouillée sur le plan scientifique, économique et militaire. » Les États-Unis et la Chine se sont lancés dans une course technologique. La prise de contrôle de l’IA par les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft) risque de transformer la France en colonie numérique, ce qui aurait des conséquences immédiates sur l’économie et l’emploi. Selon le spécialiste, ce scénario est encore évitable à condition de suivre le plan de Cédric Villani. Emmanuel Macron a confié au célèbre mathématicien l’ambitieuse mission de hisser la France à la pointe de l’IA. Le scientifique réclame pour cela une législation plus souple pour les expérimentations, la valorisation des chercheurs français, la lutte contre la fuite des cerveaux, la publicité des données des entreprises mais aussi la création d’un comité d’éthique dédié à l’IA.

Vers une intelligence artificielle « consciente » ?

Une IA « forte » serait capable de prendre ses propres décisions dans une situation imprévue, et donc prouver son autonomie de raisonnement. Ce degré n’est pas encore atteint. Mais certains chercheurs prédisent déjà cette évolution. En comprenant son propre fonctionnement, la machine deviendrait donc consciente d’elle-même.

Selon Frédéric Rognon, philosophe et théologien à Strasbourg, il n’y a pas de position commune des protestants face à ce sujet qui a été peu abordé, voire négligé, par les facultés protestantes. Ceux qui portent un regard bienveillant sur l’IA considèrent que « la création n’est pas achevée mais doit être poursuivie par l’Homme avec les moyens, notamment technologiques, que Dieu lui a donnés ». Les plus méfiants mettent en garde contre l’ambivalence de la technique : tout progrès comporte des effets positifs et négatifs. Dans cette course au progrès, il s’agit de ne pas perdre de vue l’objectif : servir la dignité humaine. Et pour cela l’Homme dispose d’une qualité qu’aucune IA ne pourra développer : sa dimension éthique. Pour Frédéric Rognon, celle-ci implique « une capacité d’autolimitation salutaire : tout ce que l’Homme est capable de faire ne devra pas nécessairement être fait pour la simple raison que cela est possible. »

Un article de Sophie Mercier

1 Interview sur Europe 1, le 29 mars 2018.