Quand Inès Mesmar apprend que sa mère a dû renoncer à son métier en arrivant en France, comme bon nombre de personnes migrantes, elle est bouleversée. Combien de personnes ont ainsi « oublié » une partie d’elles-mêmes dans leur pays ? Combien ont accepté un emploi par défaut en France pour subvenir à leurs besoins ?
Inès Mesmar mène l’enquête auprès de centres d’accueil pour réfugiés et migrants : Kim, brodeuse au Viêt Nam, est caissière en France ; Ali, menuisier afghan, agent d’entretien ; Shammim, brodeur au Bangladesh, pizzaiolo… « J’ai pris conscience de la violence de la migration : la rupture du parcours professionnel, l’effacement de soi, la perte de repères et les difficultés à faire valoir ses compétences en France. »
Un levier d’intégration pour les artisans migrants
Moins d’un an plus tard, Inès Mesmar fonde La Fabrique NOMADE. L’urgence est à promouvoir l’insertion professionnelle des artisans migrants et réfugiés en France. « J’ai eu l’intime conviction que si on permettait à ces artisans de développer leurs compétences et d’être reconnus pour leur savoir-faire, ce serait un formidable levier d’intégration », explique la jeune femme, soucieuse de contribuer à une société plus juste, où chacun trouve sa place.
Inès Mesmar est convaincue qu’il faut valoriser les compétences qui arrivent sur notre territoire, qu’elles constituent une opportunité de développement économique pour la France. La diversité est une richesse, une source d’innovation et de créativité pour les entreprises et les marques de mode et de design.
Une formation certifiante
La Fabrique NOMADE crée une formation certifiante aux métiers d’art. Elle travaille en collaboration avec des structures d’hébergement et l’Office français de l’immigration et de l’intégration. Les stagiaires apprennent à valoriser leur expertise et à l’adapter au marché français, font des stages en entreprise, rejoignent des réseaux professionnels, améliorent leur niveau de langue. Inès Mesmar frappe à de nombreuses portes. Des maisons de luxe et grandes marques s’engagent à ses côtés dans une démarche vertueuse, inclusive et durable : LVMH, Chaumet, Céline, Repossi…
La Fabrique NOMADE répond aussi aux besoins d’un nombre important de couturiers réfugiés, alors que le secteur du textile a du mal à recruter partout en France. Son atelier d’insertion textile propose une formation technique, des cours de français ciblés, un accompagnement individuel, une découverte du secteur économique et le développement d’un réseau professionnel. 76 % des artisans formés à La Fabrique NOMADE en 2021 se sont insérés sur le marché du travail, dont 83 % via le salariat.
« Notre travail permet aux artisans de reprendre leur métier, de trouver leur juste place dans la société et, surtout, de donner un nouveau sens à leur vie après l’exil », se réjouit Inès Mesmar. Ablaye travaille maintenant chez Kenzo ; Katayon Atayi a été embauchée chez Dior et Abou a restauré un hôtel particulier classé monument historique.