Ils doivent bien avoir un fond de vérité puisque la mémoire collective les a fait entrer dans son patrimoine de sagesse populaire. Reste qu’une telle phrase ne prouve à peu près rien, tant qu’elle n’est pas contextualisée. Bien malin qui voudrait contester que parfois le silence est d’argent et la parole d’or.

Il y a pourtant un silence qui me semble d’or. C’est celui de Jésus entrant dans la ville de Jérusalem en triomphateur. Il provoque un attroupement et une liesse collective. Bien que conscient que certains ne lui pardonneront pas ce bain de foule, dans lequel il est acclamé comme un sauveur, il ne se saisit pas de cette occasion pour faire un grand discours qui le consacrerait comme guide du peuple.

Philon : Des Pharisiens lui demandent de faire taire la foule. Il leur répond : si eux se taisent, ce sont les pierres qui crieront. Cette phrase témoigne d’une belle lucidité de militant. Il comprend que ceux qui voudraient faire taire une foule en liesse récolteraient des jets de pierre. Mais pourquoi n’adresse-t-il pas un discours édifiant à ceux qui sont venus l’adorer, en détournant leur adoration des symboles du pouvoir vers la question de la vanité du pouvoir ? Il devait chercher à capter leur attention en ce moment de gloire.

Toi, Socrate, tu n’aurais pas hésité à le faire.  Devant le peuple d’Athènes, au moment où il t’accusait de corrompre la jeunesse et de blasphémer contre les dieux de la Cité, tu n’as pas craint d’exciter son ressentiment en parlant à chacun de son manque de tout souci de l’amélioration de son âme. Les accusateurs t’auraient épargné si tu avais fait preuve de prudence en te taisant ou en leur disant ce qu’ils voulaient entendre. Mais tu préférais la parole qui saisit l’occasion qui ne reviendra pas et dans laquelle, ce qui est dit, deviendra légende et socle pour l’éternité.

Socrate : Je savais que les Athéniens m’écouteraient lorsque je prendrais ma défense. J’étais un accusé que les institutions honorent, en lui permettant de faire son apologie. Le pouvoir du peuple me ménageait un espace de parole et j’aurais trahi sa confiance en restant silencieux.

Quant à Jésus, il inventait une magnifique mise en scène. Il jouait avec les symboles du pouvoir pour mieux en montrer les ressorts passionnels. Il ne voulait pas être sacré roi mais démystifier l’attente d’un roi. J’admire ce silence royal qui ne cesse de nous interroger sur nos attentes folles d’une parole qui sauve