Comment expliquer l’attachement voire l’engouement pour les animaux de compagnie ?

Trois raisons expliquent la passion croissante pour nos amis les bêtes. La première est en rapport avec l’histoire de l’hominisation : depuis la naissance de l’agriculture et de l’élevage à l’ère du néolithique, l’être humain agit sur la nature. Le citadin moderne a oublié ses racines paysannes et satisfait ce besoin en le reportant sur les animaux de compagnie. Par ailleurs, on aime se reconnaître, se présenter voire se valoriser à travers son animal ; c’est l’effet miroir. Enfin, cet attachement comporte un rôle rédempteur : la culpabilité que nous éprouvons à tuer et à manger des bêtes, nous la rachetons en quelque sorte par notre amour envers les animaux de compagnie.

Peut-on parfois parler d’excès ?

Rien de pire pour un chat ou un chien que d’être pris pour ce qu’il n’est pas, un substitut de conjoint ou d’enfant par exemple. L’industrie agroalimentaire et la publicité encouragent ce phénomène d’amour fusionnel. Cela peut notamment avoir pour conséquence la maltraitance. Contrairement à beaucoup d’idées reçues, les animaux les plus maltraités ne sont pas le bétail ou les volailles, mais les animaux de compagnie. Souvent considérés comme des animaux de convenance, on les achète un peu comme une peluche ou une chose, sans avoir idée des contraintes. Si par la suite on est dépassé ou confronté à un changement de vie (un déménagement par exemple), il n’est pas rare qu’on les abandonne…

D’où vient l’attrait de certains pour les mygales, serpents et autres « nouveaux animaux de compagnie (NAC) » ?

Certaines personnes ont envie de se regarder et de se montrer comme ne faisant pas comme tout le monde ; elles cherchent à être originales et libres. Se valoriser via un furet n’est pas la même chose que s’afficher avec un canari… Il est important de rappeler qu’en France il est interdit d’acheter un lionceau ou une panthère. Il y a malgré tout dans notre pays environ mille grands félins, dont trois à cinq perpétuellement en balade on ne sait où… Là encore, lorsque les gens sont dépassés, ils lâchent leur animal dans la nature ! C’est d’autant plus terrible que les zoos ne peuvent plus les accueillir.

Comment expliquer que certaines personnes disent préférer les animaux aux êtres humains ?

C’est très simple : le seul qui est toujours content de nous voir, c’est notre chien, notre chat ou autre ! Le conjoint ? Il râle parce qu’on n’a pas vidé le lave-vaisselle en rentrant du travail. Les enfants ? Ils nous cassent les pieds aussi… Et au boulot comme ailleurs, les relations humaines ne sont jamais simples. « Au moins mon chien, lui, ne me trahira jamais ! » Cette façon de voir est le signe d’une sorte d’autisme, d’incompétence dans les rapports humains vrais.

Comment accueillir un enfant lorsqu’un ou plusieurs animaux ont déjà pris beaucoup de place ?

Ce n’est pas facile. Si on a un chien, il faut faire ou refaire son éducation, car tous les chiens sont potentiellement dangereux (80% des morsures, souvent graves, sont dirigées vers les enfants du foyer). L’aide d’un vétérinaire comportementaliste peut s’avérer très utile. Il faut aussi apprendre à l’enfant que l’animal n’est pas un autre enfant. Avec les NAC, il faut être très prudent aussi. Et ne jamais oublier que l’animal doit être mis ou remis à sa juste place.

Jean-Pierre Digard est l’auteur de Les Français et leurs animaux (éditions Fayard, 1999) et de L’homme et les animaux domestiques (éditions Fayard, 2009).
A paraître, fin 2017 : L’animalisme est un antihumanisme (CNRS Editions).