La jeunesse va vite, très vite. Elle frise l’extrême. Cela se remarque tout d’abord au sein de la famille, lorsque l’on prend conscience de la nécessité de tendre l’oreille pour discerner des bribes de mots inarticulés à travers un rythme survolté de syllabes. Cela se confirme en consultant les réseaux sociaux où passent en boucle de petites vidéos d’exploits personnels. Certains s’élancent du haut des montagnes sur des pentes verticales, d’autres se laissent tomber d’avion et planent grâce à des membranes de sommets en sommets, d’autres encore dansent jusqu’aux limites de la rupture corporelle ou sautent de toit en toit…

La recherche des limites est une nécessité de toute adolescence, le dépassement des interdits se marquant jusqu’alors principalement par des soirées imbibées, des discussions interminables, parfois la violence ou la chute dans la drogue. Tout cela est connu, y compris le risque de certains comportements considérés comme irresponsables par les générations plus anciennes.

La réalité actuelle est d’un tout autre ordre. Il s’agit d’une recherche d’adrénaline et d’intensité extrêmes, d’une violence absolue, animale. Peut-on encore parler d’élan vers la liberté dans un monde qui serait considéré comme limité ou sans avenir ? On assiste à une recherche de l’impossible, une transgression de la finitude avec un taux d’accident record.

Cette quête de toute-puissance trouve une réponse dans le transit des mages, dont les noms et les cadeaux sont signifiants. Gaspard, Melchior et Balthazar, comprenez « le gardien du trésor », « le roi de lumière » et « la protection du roi », offrent l’encens, l’or et la myrrhe. Ces noms et ces cadeaux sont déposés au pied de l’enfant pour reconnaître que lui appartient la spiritualité, la richesse et l’onction de la mission. Pour le dire autrement, l’homme ne peut plus se prendre pour Dieu, vouloir maîtriser le monde ou se penser comme son sauveur. Cela appartient à Dieu.

Pour s’agenouiller devant un nourrisson, il aura fallu aux mages un voyage à travers la nuit, les possibles, les doutes et franchir les barrières de leurs mondes et de leurs cultures. Ils se sont mis en transition. En déposant devant une crèche la volonté de se prendre pour Dieu, celle de maîtriser le monde et celle d’être sauveurs de l’humanité, les mages répondent à la recherche d’adrénaline des extrêmes absolus par le sens absolu. C’est le rôle des Églises que de rencontrer ces personnes extrêmes sans les condamner, juste en les aimant, absolument, et d’apporter du sens. Combien absolu et désespéré doit être le besoin d’amour de ces jeunes qui sautent d’un avion sans parachute et comptent sur l’autre pour le leur apporter durant la chute…