C’est fort sympathique de manifester notre bienveillance à l’égard des autres, en leur souhaitant le meilleur pour l’année qui vient, mais cela induit une vision des choses assez fataliste. Il est vrai que nous sommes souvent surpris par ce qui nous arrive au fil de l’année. Les événements, heureux ou malheureux, nous prennent de court.
Subir ou agir ?
Nous espérons donc que l’année sera bonne, mais pouvons-nous espérer d’être « bons » nous-mêmes ? Je n’entends pas par là que nous allons ruisseler de bonté à tout instant, mais que nous allons être (au moins à l’occasion) à la hauteur de la situation. On dit d’un artiste ou d’un sportif qu’ils ont été « bons » quand ils ont accompli une performance de qualité. Et, donc, lançons-nous le défi d’être source de bénédiction pour les autres, d’engendrer ces moments qui seront de bonnes surprises, pour eux ; ou encore de faire face aux événements qui toucheront un groupe avec courage et détermination.
Les bons moments de 2024 auxquels je repense
A ce propos, je repense à plusieurs bons moments que j’ai vécus en 2024.
Je pensais que le rassemblement national allait avoir la majorité des sièges à l’Assemblée nationale. Un ami a parié avec moi une bière que cela n’arriverait pas. Le soir du 7 juillet, nous avons passé un très bon moment à boire cette bière ensemble, soulagés tous les deux : lui d’avoir gagné son pari et moi de l’avoir perdu !
Alors que j’étais en visite chez lui, en Équateur, mon petit fils de deux ans m’a donné le fou rire en faisant le pitre et, du coup, il a attrapé le fou rire lui-même en me voyant éclater.
J’ai échangé, de manière inattendue, pendant une heure avec quelqu’un que je ne reverrai sans doute jamais et qui, marquant chaleureusement le plaisir qu’il avait eu à échanger avec moi, m’a sorti, étonnamment, du découragement où j’étais de l’évolution politique et sociale de la société française.
J’ai animé une retraite, pendant l’été, où j’ai été entouré avec tact et efficacité par les responsables du lieu et où j’ai vécu des échanges profonds et inspirants avec les participants.
A une autre occasion, nous étions un groupe, logé dans un centre d’hébergement, à Paris, pour la réunion sur deux jours d’un conseil d’administration. Nous nous sommes donné rendez-vous, après le petit-déjeuner, le matin, pour reprendre le métro, et aller ensemble à la salle de réunion. Par suite d’une chose que j’ai gérée de manière imprévue, j’étais en retard. J’ai eu la surprise, en arrivant dans le hall, de m’apercevoir que tout le monde m’attendait. Je m’étais déjà préparé à prendre le métro seul.
J’ai rencontré, chez un ami qui m’avait invité à faire une conférence, un couple se rattachant au mouvement soufi, qui m’a étonné par la proximité entre leur démarche spirituelle et la mienne.
J’ai été invité au colloque de clôture d’une structure universitaire dont j’avais été le premier porteur. À cette occasion, plusieurs ex-collègues m’ont exprimé leur plaisir de pouvoir me présenter le fruit du travail que je leur avais permis de mettre en œuvre, du fait que je leur avais fait confiance, au départ.
J’ai eu l’occasion de marcher, avec mon épouse, pendant une semaine, en remontant la vallée de la Boivre, depuis Poitiers et nous avons passé de superbes moments d’échange, d’immersion dans la nature et de méditation sur l’évangile de Marc.
Être là au moment opportun
Il y a de tout dans ces bons moments : du conjugal, du familial, de l’amical, du spirituel, de l’interreligieux, du professionnel, du politique, etc. Mais on voit sans difficulté qu’à chaque occasion une ou plusieurs personnes ont pris le temps d’interagir avec moi de manière personnelle et concernée. En cela ils ont été « bons », non pas forcément par leur gentillesse, mais par leur attention. Ils ont été des vis-à-vis, même très transitoirement, pour moi. Ils ont répondu présents, ici et maintenant.
Être bon, c’est donc être comme le bon samaritain : capables de dévier de notre route, parce qu’un autre être humain nous appelle.
Je nous souhaite à tous d’être bons de cette manière, dans l’année qui vient. C’est-à-dire de sortir de notre distraction et du trop plein d’informations et de stimuli qui nous submerge, au quotidien, pour porter attention à celui qui nous appelle, à un instant précis.
Dans le contexte sombre que nous vivons, marqué par la guerre, les rêves autoritaires et populistes, la dégradation du climat, l’isolement social grandissant, il nous est possible d’aller à contre-courant et de donner aux autres ces signes amicaux d’attention qui suffisent pour relever la tête.