« J’ai dû le construire en quinze jours, jamais un Premier ministre n’a dû le faire en quinze jours. Ce n’est pas possible de tout faire bien. » En marge d’un déplacement à Poitiers, dans la Vienne, Michel Barnier s’est défendu par avance. Jeudi 10 octobre, avec plus d’une semaine de retard sur le calendrier habituel, le gouvernement a présenté en Conseil des ministres et à la presse son projet de loi de finances pour 2025. Retour sur les annonces les plus fortes.

Une contribution exceptionnelle des plus hauts revenus

Pendant trois ans, les 65 000 foyers fiscaux aux revenus les plus élevés paieront plus d’impôts. Le projet de loi de finances prévoit, en effet, l’instauration d’une contribution « sur les plus hauts revenus, afin de garantir que ces derniers soient imposés à un taux minimum de 20 % ». Seuls les contribuables redevables de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus sont concernés. Pour mémoire, cet impôt existe déjà. Il est payé par les foyers dont le revenu de référence dépasse 250 000 euros pour une personne seule et 500 000 euros pour un couple.

Cette mesure devrait permettre de dégager deux milliards d’euros supplémentaires en 2025. En revanche, le projet du gouvernement ne prévoit pas de hausse de l’impôt sur le revenu pour les autres contribuables. D’ailleurs, le barème de l’imposition sur le revenu continuera d’être indexé sur l’inflation.

Taxation exceptionnelle des plus grosses entreprises

Les entreprises dont le chiffre d’affaires dépasse un milliard d’euros en 2024 paieront un complément exceptionnel d’impôts sur leurs bénéfices. Selon Antoine Armand, le ministre de l’Économie, « 440 groupes » sont concernés par la mesure qui passera par un relèvement de l’impôt sur les sociétés. Actuellement fixé à 25 %, il passera à 36 % en 2025 pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à trois milliards d’euros et à 30 % pour celles dont le chiffre d’affaires oscille entre un et trois milliards d’euros. En 2026, ces taux seront réduits respectivement à 30 % et 28 %.

Cette taxation exceptionnelle devrait rapporter 8 milliards d’euros de recettes en 2025 et 4 milliards d’euros en 2026. Par ailleurs, une taxe sur le rachat d’actions sera instaurée pour « mettre à contribution les entreprises ayant un recours croissant à cette pratique leur permettant de distribuer une partie de leur excès de trésorerie à leurs actionnaires ». Là encore, seules les entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à un milliard d’euros sont concernées. Le gouvernement compte sur cette mesure pour faire entrer 200 millions d’euros dans ses caisses en 2025.

Enfin, une taxation exceptionnelle des entreprises du fret maritime est également prévue pour celles dont le chiffre d’affaires dépasse un milliard d’euros.

Des aides réduites ou retardées pour les entreprises

La diminution de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) est reportée. Elle devrait reprendre dans trois ans. L’objectif est de conserver 1,1 milliard d’euros de recettes en 2025. Laurent Saint-Martin, le ministre du Budget, a promis une réforme des « aides aux entreprises » et notamment des « allègements généraux de cotisations pour inciter les employeurs à rehausser les salaires les plus bas ».

Autre levier : la réduction des aides à l’apprentissage, dont le coût est actuellement évalué à 16 milliards d’euros par an. Enfin, le gouvernement compte supprimer les « emplois francs » et réduire « l’ampleur du soutien sur les contrats aidés ».

2 200 postes en moins dans l’administration

Le gouvernement préfère parler d’un « effort nécessaire » sur les dépenses des administrations publiques que d’ »une cure d’austérité ». Selon Laurent Saint-Martin, « l’État et ses opérateurs vont réaliser 21,5 milliards d’euros d’économies ». Et d’ajouter : « Pour faire mieux avec moins d’effectifs, nous proposons environ 2 200 suppressions de postes, répartis entre les ministères et les opérateurs de l’État. » Le texte initial du projet de loi de finances pour 2025 prévoit la suppression de 2 030 postes dans l’Éducation nationale. Dans le détail, il prévoit 4 030 postes d’enseignants en moins par rapport à 2024, principalement en maternelle et en élémentaire, et le recrutement de 2 000 équivalents temps plein d’accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) à la rentrée 2025. Une mesure justifiée par « la baisse du nombre d’élèves qui devrait s’accélérer avec 97 000 élèves en moins à la rentrée 2025 », selon le ministère de l’Éducation, dont le budget reste stable.

Parallèlement, « des hausses substantielles pour renforcer le régalien et la sécurité des Français, notamment à la Justice et aux Armées » ont été annoncées. Quant aux effectifs du ministère de l’Intérieur, ils seront également maintenus. Selon le ministre du Budget, les crédits seront adaptés aux besoins réels et des baisses de dépenses sont assumées. C’est notamment le cas pour le ministère des Sports. Enfin, l’effort demandé aux collectivités territoriales sera « de l’ordre de 5 milliards d’euros », a chiffré Laurent Saint-Martin.

La revalorisation des pensions de retraite reportée

Sur le volet social, des économies de l’ordre de 14,8 milliards d’euros sont attendues. Il est question de limiter la hausse des dépenses de l’assurance-maladie à 2,8 % en 2025. Et le gouvernement compte repousser au 1er juillet la revalorisation des pensions de retraite liée à l’inflation. Un gel provisoire qui doit permettre de réaliser 3,6 milliards d’euros d’économies.

Hausse de la taxe sur l’électricité

Dite TICFE, la taxe sur l’électricité, dont le montant avait été réduit durant la crise énergétique, augmentera en février. La hausse dépassera le niveau d’avant l’instauration du bouclier tarifaire. Alors qu’elle avoisinait les 33 euros par MWh avant la hausse des prix de l’énergie, elle se rapprochera des 50 euros du MWh. Son montant exact ne figure pas dans le projet de loi de finances. Il sera établi par arrêté. Bercy assure que cette hausse n’empêchera pas une baisse d’au moins 9 % pour les foyers qui paient le tarif réglementé, soit environ 8 Français sur 10. Et ce, en raison du recul des prix de l’électricité sur les marchés. Toujours sur le volet énergétique, la TVA sera relevée à 20 % pour l’installation d’une chaudière, contre 5,5 % ou 10 % actuellement. Cette mesure devrait rapporter 200 millions d’euros à l’État.

Hausse du malus

Le gouvernement prévoit un durcissement du malus automobile, afin de pénaliser l’achat des voitures les plus polluantes. Dès 2025, elle concernera les véhicules qui émettent plus de 113 g de CO2/km, contre 118 g de CO2/km actuellement. Ce seuil devrait être nouveau abaissé en 2026 et en 2027. En outre, concernant les véhicules les plus lourds, le seuil de déclenchement du « malus masse » sera aussi diminué.

En 2026, il concernera les voitures de plus de 1,5 tonne, contre 1,6 tonne aujourd’hui. Par ailleurs, dès l’année prochaine, « le bénéfice de l’abattement dont profitent aujourd’hui tous les véhicules hybrides non rechargeables sera limité aux seuls véhicules performants sur le plan environnemental », indique le gouvernement. Toutes ces mesures devrait produire 300 millions d’euros de recettes à partir de 2026.

Hausse de la taxe sur les billets d’avion

Antoine Armand a annonce une augmentation de la taxe sur les billets d’avion, qui inclura les jets privés. Cette absente du projet de loi de finances pour 2025, fera l’objet d’un amendement du gouvernement lors de l’examen du texte au Parlement. Bercy précise que les contours de cette augmentation seront définis « après concertation avec le secteur » aérien.

« Faute de temps », d’autres mesures envisagées ne figurent pas dans le texte initial et seront également défendues par le gouvernement via des amendements. C’est le cas, notamment, du « renforcement » du budget de la Justice et de l’Intérieur.