Le 11 avril dernier, le secrétaire d’État Jean-Marie Le Guen relançait le débat sur la légalisation du cannabis. Si les adolescents et les jeunes adultes constituent le « noyau dur » des consommateurs, l’ensemble de notre société est invitée à réfléchir à notre rapport aux addictions.
L’usage du cannabis n’est pas à un paradoxe près. Notre pays compte le plus de consommateurs parmi les pays européens alors que notre loi est la plus punitive : l’usage illicite d’une substance ou plante, classées comme stupéfiants, est passible d’un an d’emprisonnement et de 3750 € d’amende(1). Quant aux effets du cannabis sur la santé, « les études sont nombreuses mais souvent contradictoires », expliquent Francine Gatto et Nicolas Ducournau. Pour la chef de service et le coordinateur des consultations jeunes chez Ithaque(2), il faut s’intéresser à l’utilisateur davantage qu’au produit, même si celui-ci n’est pas anodin. « Le cannabis d’il y a vingt ans n’a rien à voir avec celui d’aujourd’hui. La concentration en THC (3), son principe actif majeur, est en général plus élevée », précise Francine Gatto.
Rendu « plus performant » et souvent plus toxique, notamment avec la commercialisation de produits de synthèse sur internet, le cannabis s’est démocratisé. L’Observatoire français des drogues et des toxicomanies estime entre quatre et cinq millions le nombre actuel d’usagers (4). Un chiffre en progression, sans doute du fait d’un accès plus facile et de prix plus abordables. « Tous les collèges ou lycées connaissent ce problème », d’après la chef de service d’Ithaque.
« Usager dur ou doux »
Faut-il pour autant privilégier le tout répressif ? « Le tabac et l’alcool aussi sont deux drogues mais légales » rappelle Francine Gatto qui juge essentiel de faire de la prévention le plus tôt possible. « On ne parle plus de drogue dure ou douce mais d’usager dur ou doux », analyse Nicolas Ducournau. « L’addiction, c’est la rencontre entre un produit, une personne et un contexte. Mais plus on commence tôt, plus l’impact est important », ajoute Francine Gatto.
Benjamin Bonassi, psychologue clinicien au centre d’addictologie des hôpitaux universitaires de Strasbourg, rappelle que « l’adolescence est la période où l’on expérimente et transgresse les interdits. Pour beaucoup, fumer du cannabis est aussi un moyen de relâcher la pression ou d’aider à passer un moment difficile ». Intervenant principalement à la Maison des ados de Strasbourg, il retient surtout que les jeunes ont d’innombrables raisons plus ou moins graves de consommer. Un jeune qui fume seul avant d’aller en cours pour se donner de la contenance n’est pas forcément le même que celui qui fume épisodiquement en soirées. « L’entourage et les jeunes eux-mêmes viennent en consultation lorsqu’ils se questionnent sur une consommation qui commence à poser problème ; quand ils se rendent compte qu’ils délaissent ce qu’ils aimaient faire, que l’envie n’est plus là pour ce qui, jusque-là, les tenait. »
De son côté, Francine Gatto explique que l’équipe rencontre « souvent des mamans dépassées. Nous les encourageons à réfléchir à ce qu’elles peuvent faire elles-mêmes pour ne dire uniquement à leur enfant : va consulter ! Et si l’ado n’était pas le seul à concentrer le problème ? »
Discuter sans tabou semble être une piste négligée qui permettrait aux adolescents de savoir ce qu’est vraiment le cannabis et discerner le vrai du faux.
- Ne pas confondre le cannabis « illégal » et le cannabis thérapeutique, utilisé sous forme d’herbe ou de comprimé, très encadré en France.
- Centre de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie, basé à Strasbourg.
- Le Tétrahydrocannabinol est un psychotrope, une substance qui agit principalement sur le système nerveux.
- dont environ 1,2 à 1,6 millions d’usagers mensuels et 500 à 700 000 d’usagers quotidiens.
Pour aller plus loin : La synthèse thématique sur le cannabis : www.ofdt.fr/produits-et-addictions/de-z/cannabis/ ; Alcool et autres drogues, le vrai et le faux : www.infordrogues.be