On les prenait pour de sympathiques illuminés. Dans une période reculée d’avant-pandémie, les free-hugers sillonnaient les villes australiennes les bras en croix, offrant aux passants un temps gratuit d’embrassade. C’était en 2004 quand le fondateur du mouvement, Juan Mann, avait brandi une pancarte intitulée « free-hugs » pour conjurer la solitude à la suite d’un deuil. Le mouvement avait explosé deux ans plus tard avant de s’étioler.

Le courage de témoigner

En ces temps de retour de la contagion, l’idée saugrenue de proposer des hugs paraîtrait provocatrice. Pourtant, de l’avis même d’un professeur de médecine consulté pour l’occasion et dont le nom sera tu par respect pour son sérieux, le contact de deux personnes vêtues, mains désinfectées et portant le masque serait possible. Autrement dit, le free-hug masqué ou accolade gratuite peut constituer un témoignage de fraternité dans un monde d’isolement. Ce qui ressemblait à une blague de potaches pourrait devenir un acte d’espérance ou d’évangélisation face au Noël de solitude prévisible pour nombre de nos concitoyens.

Le hug, un acte théologique fort

De quoi est-il question ? Bien sûr d’une accolade sans arrière-pensée. Mais qui a déjà pratiqué un hug sait combien l’expérience du contact physique est un choc d’altérité, qui reconnecte chacun avec son corps, ses sensations, son émotion intérieure. Car c’est avant tout l’émotion qui est ici en jeu. Celle que le protestant a du mal à exprimer, à reconnaître même parfois. Cette émotion si mal perçue dans la religion du livre qui pourtant cite Marie « touchée aux entrailles » par la parole de l’ange Gabriel, ou Jésus « ému aux entrailles » devant la veuve de Naïn qui enterre son fils.

Unification

En faisant remonter des émotions enfouies, le hug est une porte d’entrée possible dans la théologie. Il répond à l’ordre de Jésus, « Soyez Un comme le Père et moi sommes Un », en participant à l’unification de l’Homme dans toutes les dimensions de son être. Il est témoignage que l’expérience spirituelle peut naître du corps, au même titre que de la prière, d’une prédication, d’un témoignage, d’une méditation ou de la vibration d’un chant. Ne pourrait-il pas aussi, par sa bienveillance farfelue, favoriser l’accueil à la sortie des cultes durant la période de Noël ? Un infime signe de lumière qui change le monde, ne serait-ce pas, après tout, un message d’Évangile ?