Une pensée simplifiante, telle que celle critiquée par Edgar Morin, qui refuse de prendre en compte la richesse et la diversité des phénomènes, conduit à une mauvaise compréhension du réel et à des erreurs de jugement. Une pensée complexe, qui tente de considérer la multiplicité des éléments en cause et leur interaction, est mieux à même de décrire les phénomènes.

Penser la complexité requiert assurément un effort et la volonté de privilégier la rigueur de l’analyse à la facilité de la propagande.

Cela demande également d’admettre une part d’incertitude et de doute. Il est dès lors désolant d’observer que nombre de politiques, de prêcheurs démagogues, et de médias militants, sont devenus les chantres de la pensée simplifiante. Pire, ils n’ont de cesse de discréditer ceux qui cherchent à comprendre les réalités en profondeur : sociologues, historiens, philosophes, sont tous accusés d’être les agents de la « culture de l’excuse ».

C’est ainsi que pour décrire et remédier à la dramatique et complexe question de la violence commise par de très jeunes gens, il suffirait de stigmatiser des « barbares » et de prôner l’emprisonnement. Et ainsi de tant d’autres défis auxquels nos sociétés sont confrontées. L’explication facile, la cause unique, le remède miracle, feront davantage recette que le décryptage subtil et la proposition avisée.

Les discours simplistes ne révèlent pas seulement une paresse intellectuelle, ils traduisent la volonté de subjuguer l’opinion par une méthode récurrente : désigner un bouc émissaire en peignant la réalité en termes binaires. Préserver la cohésion sociale nous impose alors d’exercer pleinement notre faculté de penser.

Jean-Marc Defossez, magistrat, pour « L’œil de Réforme »

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