Le vote des derniers cantons protestants, une continuité représentative ?
Dans son Histoire des protestants en France parue en 2012, Patrick Cabanel dénombrait une demi-douzaine de cantons protestants. La réduction du nombre de cantons lors de la réforme territoriale de 2015 a amoindri ce chiffre. Au mieux il en reste deux à quatre, dans les Cévennes et en Alsace Bossue. Je vous propose d’analyser les résultats de 2022 (2017) dans ces quelques cantons ruraux, faute de mieux.
L’intérêt pour nous est de comparer les résultats locaux et nationaux mais aussi ceux des Cévennes et d’Alsace. J-L. Mélenchon fait ainsi de bons scores dans les Cévennes et inversement en Alsace, même constat inversé pour M. Le Pen. Ce qui est frappant est bien le maintien d’un clivage entre le réformé des Cévennes et le luthérien d’Alsace. Le premier réputé de gauche, votait précédemment socialiste parfois communiste, désormais il choisit Mélenchon. Le second vote pour la droite non cléricale depuis l’après-guerre, le parti gaulliste puis l’extrême droite. Ce vieux clivage qui puise ses racines dans l’histoire – les réformés ont participé à l’enracinement de la République quand les luthériens étaient dans l’Empire allemand – est toujours d’actualité, confirmant l’existence de deux cultures politiques au sein du protestantisme français historique. Ce constat était déjà valable en 2017. On note juste une progression du vote Macron en Alsace et un recul dans les Cévennes en raison de la droitisation de son électorat et dans les Cévennes.
Mais ces résultats sont-ils représentatifs ? J’en doute, car les luthéro-réformés sont devenus minoritaires au sein d’un protestantisme bien plus urbain, voire banlieusard que rural. De plus d’autres facteurs que la religion peuvent jouer localement. M. Le Pen fait de bons scores chez les ouvriers, nombreux dans les cantons alsaciens, de plus son électorat est plus rural qu’urbain… Il nous faudra donc recourir aux sondages pour affiner notre analyse.
Les sondages, tendances lourdes et nouveaux clivages
Les sondages réalisés lors des précédentes présidentielles donnent des tendances lourdes qui se sont confirmées. Déjà en 2007 les protestants avaient choisi de voter au centre (Bayrou 27 %) comme en 2017 (Macron 30 %), comme en 2022 (Macron 36 %). On peut également noter un survote écologiste (Jadot 9%). Inversement Le Pen (17 %) et Mélenchon (16 %) obtiennent des scores inférieurs à leur moyenne nationale.
Le vote protestant s’est recentré. À côté du vote réformé méridional, du vote luthérien alsacien, déjà appréhendé à l’échelle du canton, il convient d’ajouter le vote évangélique banlieusard, plus centriste, mais aussi plus diffus et donc difficile à mesurer localement. Mais au final, en 2022 les protestants ont autant voté à gauche (31 %) que la moyenne des Français (32 %) ! Le vote protestant existe donc toujours, mais il est à l’image du protestantisme français, d ’une grande diversité. En revanche, il ne peut plus être qualifié de gauche… sauf dans les Cévennes.