Regarder ce qu’il y a dans le caddie de la personne qui vous précède à la caisse du supermarché peut donner des indications sur son mode de vie, ses revenus, sa culture d’origine. L’alimentation n’est pas seulement une façon de nourrir notre corps. Elle est aussi façon de vivre en société.
Ce que nous mangeons peut donner à voir qui nous sommes. Nos manières de table peuvent être des indicateurs de notre éducation, de notre culture, ou de la place que nous souhaitons revendiquer dans la société. Aujourd’hui, les distinctions liées à l’alimentation sont peut-être plus discrètes qu’aux époques où les repas des riches comptaient des dizaines de plats tandis que les pauvres se contentaient de pain noir. Et cependant ces distinctions subsistent sous des formes plus subtiles, par exemple dans la qualité des produits, dans les différences de coût du bio, dans les tarifs des restaurants qui ne sont pas toujours en rapport avec la quantité offerte, dans les inégalités devant le risque d’obésité… C’est aussi dans les entreprises, à l’heure du déjeuner, que les ségrégations sociales peuvent se manifester : valeur des tickets restaurant, cantines des employés ou salles à manger des dirigeants, sandwiches ou repas…
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Et cependant, dans les Frats, les occasions de manger ensemble, les offres de convivialité sont nombreuses. Nous savons bien que les relations se construisent plus facilement autour d’une table, que les échanges se nourrissent des boissons et des aliments partagés. Nous expérimentons que la volonté d’accueillir se manifeste mieux dans un repas offert que dans une simple parole. Les petits déjeuners des uns, les repas de fête des autres, les buffets et les pique-niques sont des temps forts de nos activités. Leur valeur ne provient pas seulement du fait d’avoir donné à manger, mais d’abord d’avoir invité à notre table, d’avoir servi un repas, de l’avoir partagé. Et souvent d’avoir donné l’occasion à celles et ceux que nous plions à nos habitudes alimentaires de nous faire goûter la nourriture de leur culture, de nous convier à leur manière de faire table commune.
Inclusion
Faire table commune, c’est aussi pour les disciples de Jésus se retrouver autour du repas de la Cène. Nous nous y trouvons tous égaux dans la consommation du même aliment et de la même boisson. Nous nous y trouvons invité plutôt qu’invitant, nourri par un autre, recevant plutôt que donnant. Jésus s’invitait chez ceux qui se croyaient hors de la communauté, et il promettait des repas de fête ouverts aux plus marginalisés. Mais les récits de la vie des premiers chrétiens laissent entendre que cette égalité spirituelle, cette inclusion, étaient parfois oubliées dans la vie concrète des communautés, dans leurs repas ordinaires. Construire des communautés accueillantes, c’est bien au travers de la nourriture que cela peut se jouer, c’est bien là que peuvent naître des échanges véritables. Mais cela requiert toute notre attention pour que l’accueil particulier d’aujourd’hui prépare le festin universel de demain.