Le propre de la technique est qu’elle répond à un besoin, mais en même temps elle en crée de nouveaux en modifiant notre façon de penser. Pour prendre un exemple, dans son dernier livre, La Fin de l’amour (Seuil, 2020), la sociologue Eva Illouz montre que les sites de rencontre ont changé le rapport entre les sentiments et les relations dans la sexualité. Alors que la cour amoureuse commençait par les sentiments et s’achevait par le sexe, les relations qui se nouent sur les réseaux sociaux commencent par le sexe et doivent ensuite faire face à l’opération angoissante d’engendrer des sentiments… ou pas !

Bibliquement, la clé de lecture avec laquelle nous pouvons aborder les réseaux sociaux est la notion d’autorité spirituelle. Dans le Nouveau Testament, une autorité est une force immatérielle qui a une influence sur notre façon de penser et de nous comporter. Elle est une sorte d’intelligence qui cherche à prendre possession de notre intériorité. Les réseaux sociaux flattent nos instincts les plus archaïques pour nous enfermer dans notre propre image : moi d’abord, rien avant, rien après, tout tout de suite. Il suffit d’observer la manie des selfies, selon laquelle un paysage n’a d’intérêt pour le photographe que si son visage apparaît au premier plan. Les réseaux sociaux créent ce qu’Eva Illouz appelle un hypersujet, c’est-à-dire un sujet défini par ses besoins et ses désirs, ainsi que par les pratiques visant à les satisfaire. Paradoxalement, cette concentration sur le moi active une incertitude ontologique, une incertitude quant à la nature même du moi.

Des antidotes spirituels

Une domination est d’autant plus pernicieuse qu’elle est cachée, elle nous influence au-delà de ce que nous saisissons, elle est comme un gaz inodore, incolore et sans saveur qu’on inhale sans s’en rendre compte. Un verset de l’épître aux Éphésiens dit : […]