En 2018, dans L’intelligence artificielle ou l’enjeu du siècle (L’échappée), il questionnait déjà les dimensions les plus complexes de l’intelligence artificielle et de ses « prospectives parfois délirantes ».

Éric Sadin poursuit sa réflexion dans un nouvel essai: L’individu tyran, la fin d’un monde commun (Grasset). Il dresse le portrait, saisissant et juste, d’une époque dominée par l’individu. La principale conséquence de cette « tyrannie » est l’impossibilité d’un monde commun, nié au profit d’individus toujours plus centrés sur eux-mêmes et repliés sur leur sphère privée. Cette évolution s’accompagne d’une illusion quant au pouvoir conféré par les nouveaux outils numériques. Pour lui, Facebook, Twitter, Instagram sont bien plus que des gadgets du quotidien. L’abondance de leurs sollicitations enchaîne le quotidien. Ils contraignent l’individu à une « valorisation permanente de soi », véritable névrose de l’époque.

Tout d’abord, à travers le flot de leurs algorithmes, ces outils ont décomplexé l’expression violente des opinions. De plus, en faisant miroiter à chacun la possibilité d’être vu et entendu, ils atténuent « la frustration de reconnaissance et le sentiment d’être dépossédé du pouvoir ». C’est pourquoi l’auteur affirme que les utilisateurs sont entrés dans une nouvelle ère, qui leur permet de promouvoir des idées « au point de s’opposer à toute autre loi que la leur ». Éric Sadin scrute ainsi « la récente métamorphose psychique des individus » au travers de leur addiction au numérique. Il saisit aussi le rôle déterminant que ces outils ont sur les consciences mais aussi sur les « mutations sociales ». Ces derniers ont conduit à une affirmation exacerbée de soi, « avec comme arme absolue… le verbe! »

Grâce à une argumentation claire, l’auteur impose une remise en question nécessaire quant à notre participation à ce nouvel esprit du temps.