Responsable d’activité depuis quelques années, Sylvain pose un problème au pasteur de sa paroisse. Ses remarques sont parfois acerbes et une forme de mollesse peut être discernée lorsqu’on lui propose quelque chose. Bien que rien ne puisse être reproché à ce bénévole modèle, on sent qu’il n’est plus dans le mouvement.

Entre effort et reconnaissance

Le phénomène est connu des entreprises et des organisations. Un salarié ou un bénévole qui n’est plus nourri par sa mission peut en parler, réagir en créant un débat, démissionner ou bien ne rien faire. L’inertie peut alors être un choix, lorsque le prix à payer pour quitter l’organisation est trop important : reconnaissance, salaire, regard des autres. Car comme tout engagement salarié ou bénévole, réaliser sa mission demande à Sylvain un effort qui doit être accepté et comporter une dimension de retour, par exemple trouver du sens à ce qu’il fait ou ressentir une certaine joie à agir pour le bien de la communauté.

Quelle motivation ?

Dès avant la Seconde Guerre mondiale, des philosophes comme Lewis Mumford pointaient pour les entreprises les dangers de la technicité et la déshumanisation qui en découlait, rendant inévitable la volonté des salariés de s’évader. Il signalait alors que « les changements qui restitueront l’autonomie et l’initiative à la personne humaine sont tous du ressort de chaque âme individuelle. Rien ne saurait être plus nuisible qu’un désinvestissement croissant » pour l’institution. Si le sentiment individuel de perte de sens est imaginable pour des tâches industrielles répétitives, ce type de description est moins habituel concernant l’Église et l’engagement bénévole. Pourtant, « J’en ai assez » est une petite phrase que Sylvain a déjà prononcée à mi-voix au sortir de réunions, comme d’autres bénévoles ne trouvant plus la motivation pour continuer.

Bénévole vulnérable

Les effets de la démission silencieuse sont en lien avec cette perte de sens et peuvent causer des dégâts personnels importants : baisse de motivation, aigreur devant les changements ou les projets, démoralisation, refus d’assumer ses responsabilités, voire perte de cette foi qui jadis avait entraîné l’engagement. Bien sûr un regard attentif aux personnes investies dans les paroisses est indispensable, mais cela ne suffit pas. D’abord, en bénévole investi, Sylvain ne donne que rarement l’impression d’avoir besoin d’autrui. Le pasteur et les autres membres de la communauté auront naturellement tendance à s’appuyer sur lui plutôt qu’à l’écouter et l’accompagner dans sa mission et ses réflexions. Prendre soin de son frère ne vient pas à l’esprit lorsqu’il participe activement à la mission de l’Église ; il ne correspond pas aux critères habituels des gens à soutenir. Pourtant, les acteurs des communautés sont les personnes les plus vulnérables à l’usure du temps. Les soutenir et maintenir un dialogue constant paraît nécessaire si on ne veut pas constater au fil du temps le désintérêt croissant de personnes qui poursuivent leur mission sans la vivre.

Un peu de créativité

Pour que l’esprit de service ne se transforme pas en esprit de sacrifice ou de démission silencieuse, des actions existent. La visite personnelle aux acteurs de l’Église peut dire la reconnaissance et écarter des écueils. Attacher une limite de temps à certaines missions permet de faire le point et repartir sur des bases saines. Instaurer des temps de discussion gratuite dans certaines réunions en renforce le caractère humain. Autant d’idées pour que Sylvain retrouve sa vocation.