La vieille formule marxiste, apparue et fixée il y a juste deux siècles, dénonçant l’exploitation de l’homme par l’homme, est peut-être dépassée. En ce sens qu’un degré de plus est en passe d’être franchi, avec l’idée qu’il est possible de faire payer l’homme, donc l’exploiter, pour que celui-ci soit encore moins payé, donc exploité. Et ce cran vient d’être franchi, me semble-t-il, par l’administration Trump, en menant en parallèle un projet de réduction drastique des impôts, surtout ceux des plus riches, et une incitation concomitante pour que les plus grands groupes investissent, en quatre ans, 500 milliards de dollars pour développer encore l’intelligence artificielle.
Baisser les impôts, c’est s’obliger à baisser les dépenses publiques qui « profitent » d’abord aux pauvres. Le riche se contrefiche de la baisse du remboursement médical. Investir massivement dans l’IA, indirectement grâce à la baisse des impôts qui pénalise les plus pauvres, c’est donner les moyens aux plus puissants de priver ces derniers d’activité – en tous cas les moins formés d’entre eux – et donc de revenus, grâce aux formidables gains de productivité. On oblige les plus fragiles à payer pour leur future nouvelle fragilisation.
Plus modestement, en France, on ne veille pas assez à ce rapport entre baisse nécessaire des dépenses publiques – dépenses dont profitent d’abord les plus pauvres – et baisse des impôts, qui profite d’abord aux plus riches. Il faut faire de la politique et expliquer que la baisse des dépenses et une certaine hausse des impôts sont deux sujets liés, non exclusifs l’un de l’autre, et qui touchent à la justice fiscale qu’évoquait Michel Barnier avant d’être renversé.
Alain Penchinat, entrepreneur, pour « L’œil de Réforme »