Que dirions-nous si nous ne pouvions pas entrer dans nos temples pour aller au culte, à moins de faire 300m de file d’attente au milieu d’une foule de touristes ? Que dirions-nous si, pendant le culte, enfin assis, nous devions supporter la déambulation de visiteurs indifférents à la liturgie mais intéressés par les lieux, circulant dans les allées et faisant des commentaires à voix plus ou moins basse ? Heureusement, un tel scénario est impossible : grâce à notre bon roi Louis XIV les temples, dont ceux qui avaient un intérêt architectural, ont été démolis lors de la Révocation.

Touristes et croyants

Devant Notre-Dame de Paris, les 300m de file d’attente sont une réalité de chaque jour, attente rallongée encore ces dernières années par la nécessité de la fouille. Dans ces conditions, peut-on encore considérer que la cathédrale est un lieu de prière ? En Italie, dans les églises qui se visitent, il faut souvent payer à l’entrée, pendant que le préposé vérifie la tenue des touristes et leur impose, le cas échéant, un morceau de tissu pour couvrir épaules ou cuisses découvertes. Souvent, comme en Espagne également, une chapelle latérale est réservée aux croyants qui peuvent y prier en paix et c’est là que les messes sont célébrées plutôt que dans la nef. Ainsi chacun y trouve son compte : les catholiques gardent un espace préservé, les touristes peuvent admirer les œuvres d’art aux heures d’ouverture, l’argent récolté permet d’entretenir les bâtiments.

Ces merveilles coûtent en effet une fortune, ne serait-ce que pour se maintenir en état. Depuis la loi de 1905, les églises (existantes) sont à la charge des communes, les cathédrales à celle de l’État. Beaucoup ont un besoin urgent de travaux d’envergure alors que l’argent manque dans les caisses. Dans ces conditions, qu’y a-t-il de choquant à faire payer le touriste chinois ou américain ? Pour lui, il ne doit pas y avoir une grande différence à payer pour entrer au Louvre, à Versailles, Notre-Dame ou pour monter à la tour Eiffel. C’est la raison pour laquelle Stéphane Bern, chargé d’une mission sur le patrimoine, propose de faire payer l’entrée des cathédrales.

Dîme ou ticket d’entrée

Qu’est-ce qui nous gêne dans cette affaire ? En France, nous avons bien ancré le principe, qui est aussi un cliché, de l’église où chacun doit pouvoir prier ou trouver refuge à toute heure… Cliché, car même au Moyen Âge, les guerres ne les ont jamais épargnées et cela fait bien longtemps qu’elles sont fermées à clé au minimum la nuit pour éviter les vols.

Alors c’est vrai, il y a l’histoire de Paul Claudel trouvant la foi derrière un pilier et l’idée que cela peut arriver à chacun de ces visiteurs, athées à l’entrée et saisis par la spiritualité à la sortie. C’est notre patrimoine à tous, construit par nos ancêtres et qui doit rester en accès libre. Oui mais combien, parmi tous ceux qui s’indignent aujourd’hui, mettent systématiquement une pièce dans les troncs ou allument un cierge lors d’une visite ? Et n’oublions pas que sous l’Ancien Régime, tous les sujets du roi payaient la dîme à l’Église de façon obligatoire. Le Louvre aussi fait partie de notre patrimoine et nous trouvons normal d’en payer l’entrée. Ne vaut-il pas mieux entretenir les lieux et faire payer les touristes, tout en réservant un espace aux catholiques pratiquants ? La question mérite au moins d’être posée et discutée, si possible calmement.

P.S. Une pétition a circulé pour laisser les cathédrales en accès libre, à l’initiative d’un guide touristique d’Amiens. Cherchez l’erreur !