L’urgent, c’est l’élection présidentielle. Il y a cinq ans, j’ai écrit un éditorial intitulé « Pourquoi le Front national me fait peur ». Aujourd’hui, le Front est devenu Rassemblement et il a limé ses arêtes, mais au niveau économique son programme reste identique. L’immense majorité des économistes disent qu’il n’est pas sérieux et qu’il va entraîner une explosion des déficits publics, une augmentation des taux d’intérêt et à terme, un appauvrissement général et un risque de montée des violences. À ce moment que fera le gouvernement ? Soit il se recentrera, soit il se radicalisera. Qui est prêt à prendre le risque d’une radicalisation de l’extrême droite ?
Battre le Rassemblement national est une urgence, mais elle ne doit pas occulter le plus important au regard de l’histoire et qui est le nouveau rapport du Giec, paru la semaine dernière. Il annonce que la situation est plus grave que ce qu’on pensait. Si on veut contenir la hausse des températures à 1,5 °C à l’échelle de la fin du siècle, les émissions de gaz à effet de serre doivent atteindre un pic au plus tard dans trois ans avant d’être réduites de 43 % d’ici 2030. Autrement dit, c’est maintenant, tout de suite, qu’il faut agir, comme l’écrivait l’apôtre Paul dans l’épître aux Romains : « Vous savez en quel temps nous sommes : c’est bien l’heure de vous réveiller du sommeil… La nuit est avancée, le jour s’est approché. Rejetons donc les œuvres des ténèbres et revêtons les armes de la lumière » (Rm 13, 11-12). Pour cela il faut une mobilisation politique et individuelle, un vrai changement de comportement, mais le sujet a été à peine effleuré dans les débats électoraux. Il est tellement plus agréable de penser que tout ira bien et que la science permettra de trouver les solutions pour éviter le pire.
Pour éveiller les consciences, le rapport a utilisé un chiffre clef : il reste trois ans pour garder une terre « vivable ». Dans la Bible, le chiffre trois est celui du temps de Dieu. C’est le troisième jour qu’Abraham a voulu sacrifier son fils et qu’il en a été empêché (Gn 22, 4), c’est le troisième jour que Jonas a été libéré des entrailles du grand poisson (Jon 2, 1), c’est aussi le troisième jour que Jésus est sorti de la tombe. Célébrer la victoire du troisième jour, c’est aussi poser des actes, individuels et politiques, pour que la vie reste tout simplement possible sur notre planète.