Il compte les anniversaires de sa mère, il égrène les années comme si elle était encore là, chaude et vivante à ses côtés, sa mère… Elle est morte en Égypte, lui il vit ici avec son père. Dans cette banlieue morose un peu triste. Il traîne sa peine dans ces escaliers qui sentent l’urine. Il fait des conneries sur le parking… pour oublier qu’elle est partie, pour arrêter de compter ces années qu’elle ne vivra jamais. Enfant des banlieues tristes qu’on abîme … Saura-tu te relever, dresser le poing et exister ?
Elle dessine des princesses blondes et blanches sur ses cahiers. Elle, elle est noire, elle a des yeux de désespoir … Un petit désespoir tranquille de banlieue, pas très spectaculaire et qui fera jamais le buzz. Elle ne sait pas qu’elle est très belle, princesse du Mali, reine des halls d’immeuble tout tagués. Enfant des banlieues tristes qu’on abîme… Saura-tu te relever, dresser le poing et exister ?
Il rêve dans son lit au fond d’une chambre minuscule qu’il partage avec deux frères et le grand-père. Faut pas rêver trop fort petit caïd, tes rêves sont si fragiles qu’un souffle léger pourraient les effleurer, les cueillir et les anéantir. Tu les peuples de grands espaces tes rêves, de montagnes géantes et de soleils si incandescents qu’ils brûlent tes pupilles et noient tes larmes au fond des yeux. Enfant des banlieues tristes qu’on abîme… Saura-tu te relever, dresser le poing et exister ?
Elle aide sa mère c’est normal
Elle a de petites mains déjà toutes ridées par l’eau de l’évier et des vaisselles entassées. Elle aide sa mère c’est normal… Pendant que le père et les frères font la sieste sur le canapé. Elle a pour horizon le mur de la cuisine et la fenêtre embuée qui donne sur le square où de mornes balançoires grincent dans le vent de l’automne. Elle ne sortira pas pour s’y asseoir, s’élancer vers le ciel et s’évader un peu. Pas le temps, la vaisselle attend. Enfant des banlieues tristes qu’on abîme .. Saura-tu te relever, dresser le poing et exister ?
Il entend celui des voisins qui s’engueulent dans la pièce à côté, celui de la chasse d’eau de la mémé du troisième. Il entend la sonnerie des téléphones et le bruit fracassant des bus qui passent en bas à toute allure. Il entend les cris, les grincements, les crissements, il entend les musiques qui gueulent et les bruits de couloirs. Il entend mais il n’écoute plus. Trop de bruits. Il aspire au silence mais ici ça n’existe pas. Enfant des banlieues tristes qu’on abîme… Saura-tu te relever, dresser le poing et exister ?
Elle vit à l’hôtel depuis trois ans déjà. Elle partage une chambre avec papa, maman et le frère qui vient de naître. Elle a fui la guerre et la Syrie avec toute sa famille. Ici elle attend. Elle attend des papiers même si elle ne comprend pas bien ce que ça veut dire ? Des papiers pour quoi faire ? C’est si facile à donner un papier, pourquoi faut-il attendre si longtemps ? Attendre dans cette drôle de ville où même les corbeaux volent sur le dos pour pas voir la misère. Attendre …. Enfant des banlieues tristes qu’on abîme… Saura-tu te relever, dresser le poing et exister ?
Et toi … Toi, si loin de tous ceux là… toi le nanti, le riche des pays sous développés du sourire, toi… Tu les entends ces rêves avortés, ces espoirs qui à peine déjà nés s’évanouissent ? Toi, tu les entends ces bruits de ceux qui n’en font pas ?
Toi
Aujourd’hui
Tu as fait quoi pour tous ces enfants là ?