S’il a souvent été avancé que « personne n’a gagné » les élections législatives dans la mesure où aucun des trois blocs présent à l’Assemblée nationale ne dispose d’une majorité absolue, il ne peut être écarté qu’ils ne sont pas d’importance égale : 180 députés du NFP sont davantage que 150 représentants de la majorité présidentielle, 126 députés RN sont davantage que 39 députés LR.
La nomination d’un Premier ministre LR a pu surprendre, nonobstant les qualités de Michel Barnier. La composition de son gouvernement paraît répondre à la même étrange logique : pour être promu, il faut avoir perdu !
Ainsi, sur les 39 membres que compte le nouveau gouvernement, 10 sont issus de LR, 20 de l’ancienne majorité présidentielle dont 12 de Renaissance. Plusieurs proviennent de la droite conservatrice, à l’image de Bruno Retailleau, catholique vendéen, ministre de l’Intérieur. Didier Migaud, ministre de la Justice, ancien député socialiste, fait exception à la règle. Il est vrai que la gauche avait d’emblée rejeté l’idée d’une participation à un gouvernement dirigé par un ministre non issu de ses rangs.
Nombre d’électeurs ont pu légitimement ressentir un certain malaise, voyant advenir un gouvernement de continuité qui ne pourra subsister que par la grâce du RN, parti pourtant repoussé par le réflexe civique du second tour. Michel Barnier a lui-même concédé qu’il n’avait pas de majorité. Il a pourtant été désigné alors qu’aucune coalition susceptible de le soutenir n’avait été préalablement définie.
L’avenir nous dira si, pour être promu, il suffit encore de gagner, ou même de perdre, ou s’il faut être ouvert à la négociation, à l’écoute des autres argumentaires, en plaçant au second plan son ego ou sa carrière au profit de l’intérêt général.
Jean-Marc Defossez, magistrat honoraire, pour « L’œil de Réforme »