On refera le monde…

On refera le monde, au sommet du mont Aigoual s’il le faut

Et dans le vent immense qui soufflera là-haut,

On criera notre honte d’être restés longtemps immobiles et repus.

On refera le monde dans la lumière tendre

De ces fins de pogroms

Où les hommes ensemble vont réapprendre à vivre.

On refera le monde dans les guerres assoupies

Des dictatures honteuses,

Pour réparer, guérir et chercher rédemption.

On refera le monde dans Kaboul encerclé, en implorant justice,

Et les soldats qui meurent, en appelant « maman » aimeront notre plainte

Plus douce que la leur.

On refera le monde

Et on réveillera les anges

Par nos cris tout exsangues d’affamés de la paix.

On refera le monde dans les nuits les plus noires

En retroussant nos manches

Pour entendre les rires et deviner les danses

Des enfants de ces mondes où l’espoir s’est éteint.

On refera le monde pour arracher les barbelés immondes

De Ceuta, Melilla et demander pardon

A tous ceux qu’on enferme loin des Eldorados

Où même les poubelles vomissent leur trop plein.

On refera le monde pour effacer la honte

Dans les chairs, les mémoires et les âmes

De certains mots terribles que des hommes inventèrent

Pour faire trembler leurs frères.

On refera le monde sur la muraille de Chine,

Tout en haut de l’Olympe, au pied des arcs en ciel

Et les soies enlacées des tapis de Venise dessineront des cartes

De pays tout nouveaux ne demandant qu’à vivre

Au son des mélopées de ces femmes qui dansent.

On refera le monde

Et on s’appliquera, on prendra notre temps,

On refera le monde, avec les doigts de Dieu

La tendresse des hommes.