Missak Manouchian n’a jamais obtenu la nationalité française. Son entrée au Panthéon, mercredi 21 février, quatre-vingts ans après son exécution, rend ainsi hommage à toute la “résistance communiste et étrangère”, selon l’Élysée. Pour l’occasion, la cérémonie aura lieu en deux temps, explique La Croix. “Un temps d’hommage populaire”, le mardi 20 février au mont Valérien, où Missak Manouchian et ses camarades de combat furent exécutés par les Allemands. Puis un “temps solennel”, le lendemain rue Soufflot et au Panthéon. Missak Manouchian reposera dans le caveau 13, où se trouvent déjà Maurice Genevoix et le cénotaphe de Joséphine Baker.
Résistant arménien communiste, mais aussi poète et francophile, Missak Manouchian avait demandé à deux reprises la nationalité française. En vain. Il mourra apatride, en “français de préférence”, pour reprendre le célèbre mot d’Aragon, “qui est français par le cœur et le sang versé et qui meurt d’une certaine façon au nom des valeurs qui sont celles de la France depuis 1789”, souligne l’Élysée.
“La volonté” d’être Français
Ses frères d’armes étaient quant à eux juifs, Polonais, Hongrois, Italiens, Espagnols, Roumains et Français. Une diversité qui permet “de rappeler qu’être Français, ça ne tient pas à l’origine, à la religion, au prénom, mais à la volonté”. Mais la cérémonie répond également à un enjeu mémoriel assumé. “L’entrée au Panthéon de la résistance communiste et étrangère” est le symbole de la réconciliation des mémoires de la Résistance, précise le Palais de l’Élysée.
“C’est une entrée, à travers Missak Manouchian et ses camarades de combat, qui viendra compléter ceux qui étaient déjà là au nom de la Résistance et qui reposaient là depuis 1964 avec l’entrée de Jean Moulin puis sous le quinquennat de François Hollande avec Pierre Brossolette, Jean Zay, Germaine Tillion et Geneviève de Gaulle-Anthonioz.” Jusqu’à maintenant, aucune figure communiste et étrangère ne reposait dans le temple laïc. Une absence regrettée, malgré le caractère exemplaire des personnalités retenues.
Génocide des Arméniens
Le récit gaullien centré sur la Résistance extérieure a longtemps mis sur la touche l’héritage de la résistance communiste. L’entrée au Panthéon de Missak Manouchian change enfin les choses. Missak Manouchian, dont la jeunesse a été marquée par le génocide des Arméniens et les deuils familiaux, fait dire à l’Élysée : “Quoi qu’on en pense aujourd’hui, l’engagement dans les rangs du Parti communiste, au nom d’une vision internationaliste, mais qui fait écho au fond à ce qu’est l’universalisme français, porte la marque de cette volonté de ne jamais désespérer de l’humanité et de trouver le bonheur.”
À l’issue de la veillée, le cercueil sera placé dans la crypte où sont inhumés les dix-sept représentants de la France combattante. Parmi eux, le dernier compagnon de la Libération, Hubert Germain. La population pourra venir se recueillir avant la fermeture pour la nuit. “Symboliquement, Manouchian aura rejoint les morts pour la France du mont Valérien », indique l’Élysée.
Trois stations en lien avec la vie de Missak Manouchian
Mercredi 21 février, la panthéonisation commencera par une remontée de la rue Soufflot. Les cercueils de Missak Manouchian et de son épouse, Mélinée, seront portés “par d’autres Français de préférence”, des soldats de la Légion étrangère. La procession respectera trois stations en lien avec la courte vie de Missak Manouchian : le génocide des Arméniens, l’arrivée en France et son engagement au sein du Parti communiste français, le choix de la Résistance. Le circuit sera “agrémenté de temps artistiques” et aura lieu en présence de nombreux jeunes, “pour bien marquer la dimension transmission que revêt une telle cérémonie”, ajoute l’Élysée.
Enfin, sur le parvis du Panthéon, “un dispositif scénographique innovant” permettra une représentation des vingt-deux camarades de résistance de Missak Manouchian. Un choix “pour qu’ensemble, symboliquement, ils soient réunis avant d’entrer au Panthéon”, commente l’Élysée. Une fois à l’intérieur, ils seront honorés de différentes manières, dont un discours d’Emmanuel Macron. Et une plaque “qui vaut entrée au Panthéon” sera fixée à l’entrée du caveau 13. Les noms des vingt-deux et de Joseph Epstein y figureront, avec à côté, des extraits de la dernière lettre de Missak Manouchian à son épouse Mélinée et du poème d’Aragon.