Un an déjà ? Presque un an. Du côté de l’Elysée, peut-être souffle-t-on. Pas les bougies de ce premier anniversaire, il ne faut rien exagérer, mais de réconfort, en constatant la surprenante solidité de la vie politique intérieure en dépit d’une dissolution mal comprise et de l’élection d’une Assemblée nationale sans majorité claire. Du côté de Matignon, malgré les coups de semonce et les menaces, la stratégie du dos rond semble apporter quelques fruits. Rien de grandiose, tout cela reste fragile et chacun devine qu’à la moindre fièvre le gouvernement pourrait être censuré, comme il y a quelques mois celui conduit par Michel Barnier. Mais pour l’instant, l’attelage tient la route. Nicolas Roussellier, historien, enseignant à Sciences Po et à Polytechnique, livre son analyse à Regards protestants.

Une réhabilitation du Parlement, même modeste

« La France traverse une situation qui n’a rien d’enthousiasmant, rien de dynamique, admet-il. Tout comme dans une épreuve de curling, les représentants du pouvoir exécutif balaient devant chaque événement pour que leur pierre avance. Les pessimistes affirmeront que notre pays n’est porté par aucun grand projet. Les optimistes rétorqueront ont que nous avons évité le chaos. » Ce Parlement dont les divisions profondes – y compris au Sénat, ne l’oublions pas – devaient, aux yeux de tous, engendrer des blocages et, pourquoi pas une élection présidentielle anticipée, semble au contraire avoir trouvé le moyen de fonctionner. « Je voudrais insister sur une expression, celle de « travail parlementaire autonome », nous déclare Nicolas Roussellier. Un espace s’est ouvert qui permet aux députés et sénateurs de discuter sans dépendre du Président de la République et même du Premier ministre. Ce travail peut résulter d’une proposition de loi, d’un rapport, d’une commission d’enquête. En regardant la situation de façon positive, il est permis de considérer qu’il y a non pas une complète renaissance, mais une réhabilitation du Parlement, même modeste. Il n’y a plus de gouvernement de type « Ve république », au sens où l’équipage gouvernemental embarque une majorité qui embarque à son tour une partie de l’opinion vers un vaste programme de réformes. C’est une évidence. Mais la France est loin d’être paralysée. »

Faut-il encore le dire ? Les institutions de la Ve République ne sont pas présidentielles, mais semi-présidentielles et semi-parlementaires.

Michel Debré, juriste devenu garde des Sceaux du général de Gaulle – avant d’être nommé Premier ministre – avait tenu à préserver certains droits du Parlement. Mieux encore que pendant la cohabitation, coexistence très particulière, issue de la confrontation de deux légitimités, le blocage apparent qui est le nôtre autorise les élus de la nation à travailler plus librement. « Si l’on regarde ce qui s’est passé pour la loi sur la fin de vie, avec la liberté de vote accordée par les présidents de groupe, on est en droit d’imaginer qu’à l’avenir des rassemblements de circonstances conduisent des élus de toutes les obédiences à se mettre d’accord sur des questions plus politiques, estime Nicolas Roussellier. Je pense par exemple à une possible révision de la réforme des retraites ou d’autres sujets. »

La popularité d’Emmanuel Macron sur la scène internationale

Dans ce dispositif, on voit bien que le Président de la République ne contrôle plus grand-chose : Gabriel Attal, qui préside aux destinées du mouvement Renaissance, prépare sa candidature pour 2027 et les candidats autres candidats potentiels organisent déjà leur campagne. Est-ce à dire qu’il soit sorti du jeu ? Pas du tout. Emmanuel Macron multiplie les initiatives sur la scène internationale et bénéficie d’une vraie popularité dans le domaine de la politique étrangère.

Il faut dire que la réélection de Donald Trump encourage à relativiser nos problèmes : chaque jour, nous nous réveillons au son des folies du président américain. Cela joue sur la perception que nous pouvons avoir de nos querelles. Autrement dit, la situation politique française, catastrophique aux yeux du monde, il y a douze mois, paraît finalement moins grave.

L’échéance de 2027

Cela signifie-t-il que nous avancions tout droit, tranquilles comme Baptiste, vers l’échéance de 2027 ? « La logique raisonnable voudrait que ce soit le cas, François Bayrou gérant les urgences du pays jusqu’à la prochaine élection présidentielle, admet Nicolas Roussellier. Mais les accidents de la vie politique ou judiciaire – je pense au jugement en appel de Marine Le Pen – pourrait provoquer de nouvelles secousses, une crise majeure. Mais n’oublions pas que rien n’oblige le Président de la République à dissoudre l’Assemblée si jamais une majorité de députés mettait en minorité le Premier ministre. Aussi bien, ceux qui parient sur une radicalisation de notre vie publique pourraient en être pour leurs frais. » Comme au jeu d’échecs, en politique il faut savoir tenir la position.

A lire : Nicolas Roussellier : « La force de gouverner », Gallimard, 848 p. 35 €