Dernier débat en date fin novembre 2018, celui sur la proposition de députés de généraliser l’ouverture des magasins le dimanche dans tout Paris. Dans leur rapport, Philippe Huppé (LRM) et Daniel Fasquelle (LR) ont jugé qu’« au-delà du développement touristique, les possibilités offertes par la loi (la loi Macron de 2015 ndlr) ont amélioré la situation du commerce traditionnel par rapport aux sites de vente en ligne, permis le développement de l’emploi et répondu à l’attente de salariés qui, par exemple, grâce aux repos compensateurs, peuvent économiser le coût d’un jour de garde d’enfants ». Certains commerçants estiment également que la fermeture systématique le dimanche entraînerait une nette baisse de leur chiffre d’affaires, ce qui pourrait conduire à des licenciements et/ou l’arrêt définitif de leur activité. D’autres font aussi valoir leur rôle de lien social.

Le lien social, mais non marchand, c’est justement ce que mettent en avant les Églises, pour qui le maintien du dimanche chômé semble faire consensus. Déjà dans les années 1990, l’UEPAL s’était associée avec l’Église catholique régionale pour une campagne de communication intitulée « Notre dimanche n’est pas à vendre ». Elle avait par la suite publié en 2008 un communiqué de presse « Le repos dominical : une nécessité d’intérêt général ». Bien au-delà d’une volonté prosélyte, le président de l’époque, Jean-François Collange, insistait sur « le besoin anthropologique et biologique » du dimanche. Des pasteurs et des prêtres du canton de Wasselonne avaient mené conjointement une réflexion sur la revalorisation du dimanche, écrit aux députés européens, fait témoigner des paroissiens et appelé au boycott des commerces lors de distributions de tracts.

Le consumérisme, nouvelle religion

« Le consumérisme est devenu ce que les sociologues appellent ‘une religion séculière’ qui fonctionne avec ses rites, ses valeurs et sa vision du salut : c’est ce qui donne le sens à la vie, explique le théologien et philosophe protestant Frédéric Rognon. Cette nouvelle religion entre donc en rivalité avec les religions traditionnelles. » Notre rapport au temps a également changé ces dernières décennies, selon Frédéric Rognon. « Toute la société nous invite à ne pas nous arrêter. De plus, nous fonctionnons davantage sur le rythme de temps forts où nous pouvons être nombreux pour nous rassembler, que sur celui d’une pratique régulière qui fait beaucoup moins recette. Du coup, le tabou des courses le dimanche tombe et ce jour devient comme les autres. »

Le prêtre et théologien haguenovien François Wernert estime pour sa part que l’Église manque d’une théologie des loisirs pour réinventer des propositions autour du dimanche 1. Dans la Bible, travail et sabbat (jour de repos hebdomadaire dans les religions qui reconnaissent l’Ancien Testament) sont très présents, notamment dans l’Exode et le Deutéronome. Pour le théologien et pasteur Antoine Nouis, il faut distinguer le travail comme participation à l’oeuvre de Dieu et le travail qui renvoie à la servitude. 2 Dans cette deuxième perspective, « le repos n’est pas le contraire du travail mais son complément (…) Le premier but du sabbat n’est pas d’être efficace mais de donner du sens à son travail et à son existence. » Si certains peuvent voir l’appel des Églises
comme une contrainte liberticide, Antoine Nouis rappelle que « le sabbat n’est pas un jour vécu sous le joug de l’interdit mais sous le signe de la grâce (…), un jour où nous sommes invités à poser des actes concrets de gratuité et de libération. »

1. « L’Église devrait réfléchir à de nouveaux rites dominicaux », La Croix du 21 avril 2018.
2. L’aujourd’hui de la loi, lecture actualisée des dix commandements et du sermon sur la montagne, Antoine Nouis, éditions Olivétan, 2006.