Si tout le monde est d’accord pour dire que la France est un État laïc et doit le rester, les divergences sont profondes dans ce que l’on met sous ce mot laïcité. On peut, pour simplifier, retenir deux conceptions différentes de la laïcité.

Pour les uns, la laïcité signifie que les religions doivent rester strictement cantonnées dans l’espace privé et/ou celui qui leur est dédié (les églises, les temples, les synagogues, les mosquées etc.). Aucune expression religieuse ne devrait être admise dans l’espace public, qu’il soit médiatique ou social. La société se doit d’être strictement neutre, les religions doivent être absentes du débat public. Ainsi sommes-nous tous des citoyens, avant d’être des croyants ou des non-croyants ; ces qualificatifs ne regardent que nous et n’ont pas à être connues. Selon cette conception, la laïcité est une fin en soi, un idéal de vie sociale pouvant, seule, créer l’égalité et la concorde entre les citoyens. Moins il y a de religion, plus il y de laïcité, plus il y a de paix sociale. Un intellectuel s’est ainsi exprimé récemment dans le journal Le Monde, expliquant qu’il n’y avait pas 5 millions de musulmans en France, ces personnes étant des citoyens comme les autres, leurs fêtes et rites n’étant en rien religieux mais uniquement de coutumes culturelles et sociales. De même pour lui le catholicisme (= christianisme) ne concerne plus en France qu’un petit groupe de « bigots » appelé à disparaître.

Pour les autres, la laïcité n’est pas une fin en soi mais un moyen. Elle signifie certes que toutes les religions doivent être sur le même pied d’égalité : l’État n’en subventionne ni n’en privilégie aucune. Mais cela n’est pas suffisant pour créer un climat de paix où chacun se sente respecté dans ce qu’il est. La laïcité doit aussi favoriser le dialogue entre les religions et favoriser l’expression religieuse quand elle contribue au bien être social. Sur la base de ce socle commun, il est possible et parfois même souhaitable que les religions soient visibles et présentes dans l’espace public. Cette visibilité sociale des religions peut être nécessaire à leur ritualité (les pèlerinages, les fêtes religieuses), mais aussi au bien de tous (l’exercice de la solidarité, le dialogue interreligieux, l’éducation à l’acceptation de l’autre dans sa différence). Cela signifie que l’Etat peut et doit aider au dialogue entre ces religions, afin qu’elles fassent plus que de simplement cohabiter, mais qu’il s’instaure un double dialogue : entre elles d’une part, entre elles et la société (qui comprend de nombreux incroyants, libres penseurs, agnostiques, athées) d’autre part. L’État, par la neutralité, peut aider à préparer ces dialogues et rencontres intercultuelles et interreligieuses. […]