Ce référendum suit les accords de Matignon, signés en 1988 alors que le territoire frôlait la guerre civile entre Kanak autochtones indépendantistes et «caldoches» blancs loyalistes. Ils affirment que Kanak et Européens doivent apprendre à vivre ensemble au prix d’un rééquilibrage économique. Les acteurs protestants ont pris part au défi éducatif posé. L’accord prévoyait la formation de cadres Kanak. Le Défap, service protestant de mission, a soutenu l’intégration d’étudiants en métropole. Pour la dernière année du programme d’État Après Bac Service en 2016-2017, il encadrait ainsi 80 jeunes. Une goutte d’eau alors que seuls 12,5% des Kanak ont le bac aujourd’hui.

Une Église locale indépendantiste

L’Église locale est très majoritairement Kanak et a pris position pour l’indépendance dès 1979. « Si elle reste reconnue en milieu Kanak – malgré la sécularisation – son absence de neutralité l’a discréditée au-delà», explique le théologien Frédéric Rognon, de retour d’une visite sur place. «Sa décision, en 2013, de se nommer Église protestante de Kanaky Nouvelle-Calédonie (EPKNC) a fâché ses rares fidèles non-Kanak, qui ont quitté l’Église en masse ». En 2016, la seule paroisse pluriethnique, et riche, que comptait l’EPKNC, à Nouméa, a fait sécession. Des médiateurs, dont Frédéric Rognon, tentent aujourd’hui de réconcilier ces deux Églises. L’EPKNC n’est donc pas un laboratoire du dialogue entre communautés. «Dès les années 1970, elle a toutefois prôné la non-violence et le respect des autres ethnies », insiste le Strasbourgeois, «une exception à l’époque ». Les accords de Nouméa ont gelé le corps électoral pour que les habitants arrivés après 1998 ne puissent pas voter au futur référendum.

Dix ans plus tôt, les Kanak constituaient encore 46% de la population. Après 30 ans de paix, ils n’en représentent plus que 39%. «Beaucoup se sont détournés de la cause indépendantiste pour s’accommoder du mode de vie occidental. Pour autant, la société reste très clivée. Les communautés se mélangent peu. Les inégalités persistent», observe Frédéric Rognon. Deux référendums doivent encore être organisés en 2020 et 2022 si le non l’emporte cette fois. L’EPKNC craint qu’un score trop tranché ravive les tensions entre indépendantistes et loyalistes. Les uns pourraient perdre foi en la démocratie et les autres remettre en cause la légitimité des deux prochains référendums.

REPÈRES

• 1840 : Premiers missionnaires protestants anglais dans les îles Loyauté

• 1853 : Prise de possession de la Nouvelle-Calédonie par la France

• 1864 – 1897 : Colonisation par les bagnards de France

• 1946 : Suppression du régime spécial d’indigénat pour les autochtones

• Années 1960 : Boom du nickel qui implique une forte immigration métropolitaine et océanienne

• 1984 – 1988 : les «Événements», dont la prise d’otage d’Ouvéa

• 1988 : Accords de Matignon • 1998 : Accords de Nouméa