Interrogés sur leur personnalité, les 14 hommes dans le box de la cour d’assises spéciale de Paris reprendront la parole en janvier prochain afin d’évoquer les faits et leurs convictions religieuses. Vendredi 19 novembre, deux enquêteurs de la DGSI ont détaillé le parcours de Samy Amimour, Ismaël Mostefaï et Foued Mohamed Aggad, le trio qui a fait 90 morts et des centaines de blessés parmi les 1 500 spectateurs du Bataclan, venus assister au concert de Eagles of Death Metal, le 13 novembre 2015. Dans un souci d’anonymat, les deux ombres ont raconté le parcours vers le djihad des membres du commando du Bataclan, rapporte LCI. Les enquêteurs 209SI et 020S parlent d’une enquête « tout sauf linéaire » lancée le 14 novembre sitôt les corps des trois assaillants identifiés et leurs proches placés en garde à vue.
Samy Amimour, né à Paris en 1987, est le premier terroriste neutralisé par les forces de l’ordre. « Sa grande sœur nous a parlé de l’intérêt de Samy Amimour pour la religion. Elle échange avec lui quand il est en Syrie. Il envoie des photos de chats, parle de Louis de Funès et de Disney », note l’enquêteur 209SI. Une autre de ses sœurs mentionne, quant à elle la « rupture de son frère avec ses amis non-musulmans » et perçoit des signes de radicalité. « Son frère lui aurait confié que la France était un pays de mécréants. » Décrit comme discret et réservé, son père précise que Samy Amimour regardait des vidéos de Ben Laden, « le seul à avoir fait plier l’Amérique ». Il « a pu se radicaliser vers 2010-2012 via Internet », ajoute l’enquêteur. L’accusé parvient à quitter la France en 2013 et gagne la Syrie via la Grèce. Il y deviendra combattant puis recruteur. Sur zone, il intègre une brigade d’élite et s’illustre au combat en 2015.
Une rencontre à la frontière turque
Samy Amimour rencontre Ismaël Mostefaï, en passant la frontière turque, le 6 septembre 2013. Né dans l’Essonne en 1995, celui-ci a grandi dans une famille où la religion (un islam « assez rigoriste ») occupe une place très importante. Décrit par ses proches comme quelqu’un de « gentil, calme », mais pouvant être « violent avec ses proches notamment sur les questions de religion », rapporte l’enquêteur 209SI. Au point que, d’après un proche, il ne voulait pas que « ses enfants naissent en France, où l’on fête Noël et les anniversaires ». Fiché S dès 2009 pour son appartenance à la mouvance salafiste de Chartres, il rejoint la Syrie. À ce propos, l’enquêteur parle d’un « secret orchestré par l’ensemble de sa famille », qui explique qu’il est à Dubaï. Une fois en Syrie, Ismaël Mostefaï prend la tête d’un groupe de combattants français. Pour l’enquêteur, il serait même « la tête du commando”. Il “réserve, réceptionne l’argent, il a des connaissances religieuses, il parle arabe, il est le chef de groupe et semble avoir gardé cette position jusqu’à la fin », rapporte la chaîne d’information en continu.
Quant à Foued Mohamed Aggad, il aurait rencontré ses comparses au printemps 2014, dans le nord-est de la Syrie. Né en 1992 dans le Bas-Rhin il aurait « changé de comportement » après avoir rencontré un recruteur de djihadistes, Mourad Fares, en 2013. « Il se radicalise, il devient de plus en plus intransigeant, violent, et a une lecture rigoriste du Coran », précise l’enquêtrice 020SI. En Syrie en décembre 2013, il est d’abord combattant, puis recruteur. « Il dit qu’il veut rester en Syrie, car s’il rentre, c’est pour commettre un attentat, ‘faire un sale truc’ selon ses mots. En août 2014, il devient chef d’un groupe de combattant et prête allégeance », poursuit l’enquêtrice.
“Mourir en martyr”
Dès août 2015, les trois terroristes font leurs adieux à leurs familles, indique la chaîne d’information en continu. « Foued Mohamed Aggad ne donnera plus de nouvelles jusqu’au soir des attentats. Le 13 novembre 2015, il rentrera en contact avec sa mère – qui est à Strasbourg – à 13 reprises et lui annonce qu’il va ‘mourir en martyr’« , indique l’enquêtrice. Pour rentrer en France, le trio a suivi le même parcours que les migrants.