Qu’adviendra-t-il en fin de parcours du projet de loi contre le séparatisme rebaptisé « confortant le respect des principes de la République », après plusieurs allers-retours entre députés et sénateurs ? sera-t-il « retoqué » par le Conseil Constitutionnel ?
La question n’est pas sans importance pour la Mission Populaire et ses douze fraternités. Car certains articles en particulier posent question, selon Nicolas Cadène, ex-rapporteur général de l’Observatoire national de la Laïcité, dans la mesure où ils entretiennent une confusion entre missions d’intérêt général et missions de service public, en exigeant des unes comme des autres une observation stricte de la neutralité qui, selon les lois de la laïcité de 1905, ne s’applique qu’aux agents de l’Etat et non aux associations elles-mêmes, exceptées celles qui ont une délégation de service public. Ainsi, les fraternités qui affichent sur leur site Internet ou sur leur vitrine des temps spirituels pourraient se voir retirer une subvention publique pourtant entièrement affectée à une mission d’intérêt général comme l’accompagnement scolaire ou les cours de Français.
Esprit de la loi et esprit du lieux
Premier motif de contestation qui s’inspire du propos même de Nicolas Cadène : c’est l’esprit même des lois fondatrices de la laïcité qui est remis en cause, puisque celles-ci visent avant tout à garantir la liberté de conscience et la liberté de culte qui s’appliquent aussi dans l’espace public dans la mesure où l’ordre public est respecté ainsi que la liberté de autres personnes. Dans cette logique, la stricte neutralité de l’Etat et de ses services est précisément ce qui garantit la liberté de chacun. Dans cette même logique, si chaque citoyen était astreint à la même neutralité, alors il ne se serait plus libre d’exprimer ses convictions dans l’espace public et cela entrerait en contradiction avec la loi fondatrice de la Laïcité.
Deuxième motif de contestation : l’originalité même des fraternités de la Mission Populaire repose sur le fait de conjuguer dans un même lieu – sans les confondre cependant – des missions spirituelles avec des missions politiques et sociales, en partant d’un principe cher au Christianisme social : La personne humaine est un tout qu’on ne peut saucissonner et découper en morceaux. D’une part, les dimensions spirituelles, sociales, politiques, psychologiques s’entremêlent dans la réalité de chacun, d’autre part l’Evangile est une bonne nouvelle qui concerne toute la personne dans toutes ses dimensions.
Mise au pas
D’autres articles de cette loi posent problème : notamment celui qui contraint les Associations Cultuelles à se soumettre à une autorisation de la préfecture tous les 5 ans, démarche qui, selon Nicolas Cadène, sera lourde et dissuasive.
Ainsi, nous pouvons regretter la suppression de l’observatoire de la Laïcité qui, tout en étant reliée au premier ministre, était une instance autonome qui pouvait ainsi conseiller et interpeller l’exécutif comme la société civile, lorsqu’elle constatait un dévoiement possible de la laïcité. L’observatoire a été remplacé par un organe interministériel qui n’exercera aucune fonction critique et qui ne sera là que pour mettre en œuvre les décisions de l’exécutif.
Plusieurs entorses au principe-même de la Laïcité ont été votées avec ces lois successives qui sont venues s’empiler depuis plus de 20 ans en France, sous le prétexte de renforcer la laïcité. Ainsi la foi est bien souvent devenue suspecte et elle doit se limiter à rester une affaire privée. A la Mission Populaire, nous disons tout le contraire. La foi n’a de sens que si elle nous ouvre à un partage fraternel avec d’autres et à un engagement pour une société plus juste et plus humaine.