L’enseignement de l’Histoire et le doute sont pour moi indissociables. Le doute est même vertueux car il est l’expression de l’esprit critique que nous voulons développer chez nos élèves. Il pose cependant question quand il amène à remettre en cause certains faits historiques. Ce phénomène n’est pas nouveau. Il y a vingt ans déjà, au moment des attentats du 11 septembre 2001, un élève avait parlé de vidéos truquées par les États-Unis pour justifier leur intervention au Moyen-Orient. Aujourd’hui, cette tendance s’amplifie, même si, il faut le préciser, elle ne constitue pas mon quotidien. Elle est certainement liée au média privilégié par les adolescents pour s’informer : les réseaux sociaux. En effet, si les réseaux constituent une mine de connaissances, ils sont aussi le lieu de théories complotistes et négationnistes véhiculées par des groupes pour lesquels l’Internet est un véritable canal de propagande.

Décortiquer le processus

Que faire alors quand un élève remet en question une vérité historique ? La première des choses est de ne pas balayer cette affirmation d’un revers de la main. J’aurais pour ma part tendance à répondre « très bien, prouve ce que tu dis ! ». Les arguments sont souvent bien pauvres. Je me saisis alors de l’occasion pour « décortiquer » le processus qui peut amener à croire telle ou telle théorie. Pour illustrer mon propos, je pourrais donner l’exemple suivant : il y a quelques années, alors que nous évoquions la Shoah, un lycéen lançait à la cantonade « j’ai toujours entendu dire que les juifs étaient des traîtres, des lâches ». Une fois passé l’effroi, j’ai recueilli des documents aux archives départementales de Colmar à propos d’un Français de confession juive déporté à Auschwitz. J’ai étudié ces ressources avec mes élèves. Ils ont notamment découvert que cet homme avait été décoré par la Croix de guerre, décoration militaire instituée en 1915 pour récompenser les soldats ayant fait preuve d’une conduite exceptionnelle. La preuve était faite que le postulat de départ était faux. Face à un public scolaire en profonde mutation, les enseignants doivent être outillés pour répondre à ces remises en question. L’éducation aux médias à laquelle ils doivent mener leurs élèves constituera un enjeu majeur de leur enseignement. Plus largement encore, le doute émis par les élèves sur le contenu de nos enseignements nous interroge aussi sur des programmes simplifiés à l’extrême qui ne sont pas toujours le reflet des recherches universitaires et qui sont souvent eurocentrés.